CNCC 6-701

6-701. REVELATION DES FAITS DELICTUEUX AU PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE

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Introduction

.01- La présente norme a pour objet de définir des principes fondamentaux et de préciser leurs modalités d’application relatifs à l’obligation faite au commissaire aux comptes de révéler au procureur de la République les faits délictueux dont il a eu connaissance.

.02- Le commissaire aux comptes, en application des textes légaux et réglementaires, révèle au procureur de la République les faits délictueux dont il a eu connaissance dans l’exercice de sa mission dès lors que les faits constatés :

· constituent une infraction visée par les textes de base applicables à l’entité concernée ou une infraction prévue par d’autres textes ayant une incidence sur les comptes,

· sont significatifs et délibérés.

.03- L’expression « faits délictueux » contenue dans les textes vise toutes les catégories d’infractions, indépendamment de leur qualification juridique de crime, délit ou contravention.

Champ d’application

.04- L’obligation pour le commissaire aux comptes de révéler les faits délictueux dont il a connaissance résulte de l’article L. 225-240 du Code de commerce, applicables aux termes de l’article L. 820-1 aux commissaires aux comptes nommés dans toutes les personnes morales, quelle que soit la nature de la certification prévue dans leur mission.

Par ailleurs, certains textes spécifiques prévoient expressément l’obligation de révélation pour les commissaires aux comptes investis d’une mission particulière au sein de certaines entités.

.05- L’obligation de révélation ne concerne pas le commissaire aux apports et à la fusion, ni le commissaire à la transformation, sauf dans les cas, autorisés par les textes, où ce dernier est en même temps le commissaire aux comptes de l’entité.

Nature et objectifs de l’intervention du commissaire aux comptes

.06- La révélation par le commissaire aux comptes au procureur de la république, des faits délictueux dont il a eu connaissance dans l’exercice de sa mission s’inscrit parmi les « autres interventions définies» par la loi , prévues par le cadre conceptuel des interventions du commissaire aux comptes, ayant pour objet de « porter à la connaissance, signaler des faits, des situations, des informations… ».

Faits délictueux entrant dans le champ de la révélation

.07- Entrent dans le champ de la révélation du commissaire aux comptes, les infractions rencontrées dans l’exercice de sa mission, c’est-à-dire les infractions :

-  expressément prévues par le Livre II du Code de commerce pour ce qui concerne les sociétés commerciales ou par les textes de base applicables aux autres personnes physiques ou morales autres que commerçantes auprès desquelles le commissaire aux comptes exerce sa mission,

ou

– prévues par d’autres textes et présentant une incidence significative sur les comptes.

.08- L’exercice de la mission s’entend de l’ensemble des interventions du commissaire aux comptes, au sein d’une entité, prévues par les textes légaux et réglementaires, par les statuts ou par convention.

.09- L’appartenance d’une infraction au champ d’application de la révélation des faits délictueux ainsi déterminé est une condition nécessaire, mais non suffisante, pour entraîner une révélation de la part du commissaire aux comptes.

Ainsi, le commissaire aux comptes n’a pas à révéler toute infraction au seul motif qu’elle est prévue par les textes de base gouvernant l’entité concernée ou qu’elle présente une incidence significative sur les comptes. Encore faut-il qu’elle réponde à des critères complémentaires applicables au cas d’espèce.

Critères d’application à une espèce déterminée

.10- Prenant en considération les conséquences d’une infraction et le but poursuivi par son auteur, le commissaire aux comptes révèle les faits qui sont à la fois significatifs et délibérés.

.11- Doit être considéré comme significatif tout fait qui, ayant pour effet de soustraire l’entité ou ses dirigeants à des dispositions légales spécifiques :

– modifie sensiblement la présentation de la situation financière, du patrimoine ou du résultat, ou l’interprétation qui peut en être faite ;

-ou porte ou est de nature à porter préjudice à l’entité ou à un tiers.

Ce critère s’apprécie non seulement par rapport à un fait isolé mais également par rapport à un ensemble de faits dont chacun, pris isolément, peut être non significatif, mais dont la conjonction peut revêtir un caractère significatif.

.12- Le caractère délibéré s’apprécie par rapport à des éléments objectifs démontrant la conscience que pouvait avoir l’auteur de l’infraction de ne pas respecter la réglementation en vigueur.

A cet égard, le commissaire aux comptes ne peut négliger la suite réservée à son intervention auprès des dirigeants; l’erreur de bonne foi comme l’intention coupable peuvent s’en déduire.

.13- Ainsi, la régularisation effective, dans les meilleurs délais, de la part des dirigeants, lorsqu’elle est possible, constitue un indice, certes non déterminant mais précieux, de la bonne foi.

Au contraire, l’absence de prise en considération de ses observations peut conduire le commissaire aux comptes à déduire de la mauvaise volonté des dirigeants, l’intention délibérée.

Diligences

.14- Le commissaire aux comptes considère si la mise en Å“uvre des diligences prévues par les normes 2-105 « Irrégularités et inexactitudes » et 2-106 « Prise en compte des textes légaux et réglementaires » l’a conduit à avoir connaissance de faits entrant dans le champ de la révélation des faits délictueux, tel qu’il est défini ci-dessus.

.15- Lorsque, dans l’exercice de sa mission, le commissaire a connaissance de tels faits, il procède à leur analyse et apprécie notamment si ces fait revêtent un caractère significatif et délibéré.

Le commissaire aux comptes est ainsi conduit à :

-s’assurer que le fait dont il a connaissance est susceptible d’une qualification pénale ;

– déterminer les conséquences de l’infraction et le but poursuivi par ceux qui en portent la responsabilité.

.16- Il n’appartient pas au commissaire aux comptes de qualifier pénalement les faits dont il a connaissance, cette qualification incombant aux autorités judiciaires compétentes. Par ailleurs, un fait, fût-il parfaitement qualifié d’infraction, n’a pas à être systématiquement révélé par le commissaire aux comptes, si celui-ci estime que, dans le cas déterminé, il n’est ni significatif ni délibéré.

.17- Dans le cadre de son analyse des faits, le commissaire aux comptes s’entretient avec les dirigeants et intervient notamment auprès d’eux afin qu’une situation normale soit rétablie.

Si le commissaire aux comptes n’obtient pas satisfaction dans les meilleurs délais, il tire les conséquences de l’absence de prise en considération de son intervention.

.18- Il appartient au seul commissaire aux comptes de décider s’il doit ou non révéler et il ne saurait déléguer cette responsabilité.

En cas de doute sur l’opportunité de révéler, le commissaire aux comptes peut utilement consulter le parquet concerné.

.19- Le commissaire aux comptes révèle au procureur de la République les faits délictueux dont il a connaissance sans que sa responsabilité puisse être engagée par cette révélation.

.20- Le commissaire aux comptes établit et conserve, dans le dossier de chaque entité contrôlée, une feuille de travail particulière à la révélation.

Le commissaire y indique, pour les faits présumés délictueux dont il a eu connaissance au cours de sa mission, les analyses et investigations effectuées, la révélation faite ou, le cas échéant, les raisons pour lesquelles celle-ci a été écartée.

Procédure de révélation

.21- Peut être conduit à révéler tout commissaire aux comptes qui accomplit sa mission, soit en son nom personnel, soit au titre d’associé dans une société de commissaires aux comptes.

.22- Le commissaire aux comptes qui a connaissance d’un fait délictueux procède à une révélation sinon immédiate, du moins dans un délai le plus rapide possible.

Il en est ainsi, même si le fait a été commis antérieurement à sa nomination.

.23- Indépendamment de tout entretien oral que le commissaire aux comptes a pu avoir avec le procureur de la République, il formalise par écrit la révélation qui, le cas échéant, y fait suite.

Liens avec les autres obligations du commissaire aux comptes

.24- Le commissaire aux comptes signale, à l’organe de direction (article L. 823-16, 3° du Code de commerce), l’irrégularité que constitue le fait délictueux. Il la signales également à l’assemblée générales la plus proche (article L. 225-240, al. 1 du Code de commerce), sans pour autant avoir à préciser que l’infraction correspondante a été portée, le cas échéant, à la connaissance du procureur de la République.

.25- Les motifs conduisant un commissaire aux comptes à révéler un fait délictueux n’entraînent pas nécessairement une réserve ou un refus de certifier ; de même, les motifs entraînant un refus de certifier, notamment pour limitation ou incertitude, ne conduisent pas nécessairement à une révélation de faits délictueux.

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