Procédure disciplinaire

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 Procédure disciplinaire

 

La loi assure certaines garanties au salarié faisant l’objet d’une sanction, en imposant à l’employeur le respect d’une procédure qui comporte deux phases : un entretien préalable ressemblant à l’entretien préalable au licenciement mais obéissant à des règles distinctes, puis une notification. Au moment d’engager cette procédure, l’employeur peut décider la mise à pied conservatoire du salarié s’il estime que la gravité de la faute commise par celui-ci rend impossible son maintien dans l’entreprise dans l’attente du prononcé de la sanction.

Les garanties procédurales éventuellement prévues en faveur des salariés par la convention collective applicable dans l’entreprise ne dispensent pas l’employeur de respecter la procédure légale mais se cumulent avec elle (Cass. soc. 20-10-1988 n° 3540).

Certaines sanctions jugées mineures échappent à la procédure de l’entretien préalable (voir n° 7146), mais doivent toutefois être notifiées dans les formes prévues.

La procédure disciplinaire doit être respectée pour toute sanction, notamment en cas de licenciement pour faute : à la procédure de licenciement pour motif personnel (voir n° 5675 s.), viennent alors s’ajouter les règles spécifiques du droit disciplinaire exposées ci-après.

S’agissant du licenciement des salariés protégés, voir n° 8060.

La procédure disciplinaire est également applicable en cas de rupture anticipée d’un contrat à durée déterminée pour faute grave (n° 2916) et d’interruption du préavis pour faute grave d’un salarié licencié ou démissionnaire (n° 2729).

 

Date de mise en oeuvre de la procédure

Prescription des faits fautifs

7142

C. trav. art. L 122-44

N-IV-18900 s

Aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de 2 mois courant à compter du jour où l’employeur a eu une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l’ampleur des faits fautifs reprochés au salarié (Cass. soc. 17-2-1993 n° 693 : RJS 4/93 n° 394 ; pour un salarié protégé : CE 20-4-2005 n° 254909 : RJS 8-9/05 n° 869)).

 

Précisions

a.  L’engagement des poursuites est constitué en principe par la convocation à l’entretien préalable (CE 12-2-1990 n° 88256 : RJS 4/90 n° 325 ; 5-2-1997 n° 604 : RJS 3/97 n° 280) ou le cas échéant, par le prononcé d’une mise à pied conservatoire (Cass. soc. 13-1-1993 n° 126 : RJS 3/93 n° 277 ; 15-4-1996 n° 1833 : RJS 7/96 n° 792).

Si la sanction est un avertissement, c’est le jour de présentation de la lettre recommandée ou celui de la remise de la lettre simple contre décharge qui sera pris en compte pour apprécier si les faits fautifs sont prescrits ou non.

b.  L’échéance du délai de 2 mois est déterminée suivant les règles exposées n° 7154, a (C. trav. art. R 122-19).

c.  Des poursuites pénales interrompent le délai de prescription à la condition d’avoir été engagées avant l’expiration de ce délai (Cass. soc. 29-1-2003 n° 247 : RJS 4/03 n° 457). Il ne commence à courir qu’à compter de la date à laquelle la décision de la juridiction répressive est devenue définitive (Cass. soc. 12-1-1999 n° 164 : RJS 2/99 n° 200 ; 6-12-2000 n° 4913 : RJS 2/01 n° 206).

En revanche, ce délai n’est ni interrompu ni suspendu par la maladie du salarié (Cass. soc. 13-7-1993 n° 2972 : RJS 10/93 n° 985) ou l’accident du travail dont il est victime (Cass. soc. 19-1-2005 n° 121 : RJS 3/05 n° 301).

 

7143

Si un fait fautif ne peut plus donner lieu « à lui seul » à une sanction au-delà du délai de 2 mois, l’employeur peut invoquer une faute normalement prescrite lorsqu’un nouveau fait fautif est constaté. Cette interprétation suppose toutefois que les 2 fautes procèdent d’un comportement identique (Cass. soc. 13-2-2001 n° 671 : RJS 4/01 n° 444). Par ailleurs, l’employeur peut prendre en compte un fait antérieur à 2 mois, dans la mesure où le comportement du salarié a persisté dans ce délai (notamment : Cass. soc. 10-11-1999 n° 4213 : RJS 1/00 n° 26 ; CE 10-3-1997 n° 170114 : RJS 5/97 n° 567).

Il en va ainsi par exemple de l’absence injustifiée persistant malgré la mise en demeure de l’employeur (Cass. soc. 13-1-2004 n° 16 : RJS 3/04 n° 308), mais pas de l’abandon de poste qui présente un caractère instantané (Cass. soc. 29-1-2003 n° 244 : RJS 4/03 n° 458).

 

Mise à pied conservatoire

7144

Si les faits reprochés au salarié paraissent d’une gravité telle que son maintien en fonction est dangereux, l’employeur peut prononcer une mise à pied dans l’attente de la sanction à intervenir. Cette mise à pied conservatoire, qui se distingue de la mise à pied disciplinaire (voir n° 7125), doit être suivie immédiatement de l’ouverture de la procédure de licenciement. Elle interrompt la prescription des faits fautifs (voir n° 7142). Le salarié est alors dispensé d’exécuter son travail en attendant qu’il soit statué sur la suite à donner aux fautes constatées. Pour cette période non travaillée, la perte de salaire dépendra de la sanction finalement retenue.

 

Seul le licenciement fondé sur une faute grave ou lourde dispense l’employeur de son obligation de paiement du salaire afférent à la période de mise à pied (notamment : Cass. soc. 3-2-2004 n° 213 : RJS 4/04 n° 409). A noter qu’à l’inverse, le fait que la rémunération ait été versée au salarié pendant cette période n’empêche pas l’employeur de se prévaloir de la faute grave (Cass. soc. 16-3-1994 : RJS 5/94 n° 546 ; 17-1-2001 n° 121).

Entretien préalable

Convocation

7146

C. trav. art. L 122-41 art. R 122-17

N-IV-20600 s

Sauf si la sanction envisagée est un avertissement ou une sanction de même nature qui n’a pas d’incidence, immédiate ou non, sur la présence dans l’entreprise, la fonction, la carrière ou la rémunération du salarié, la loi impose à l’employeur la tenue d’un entretien. Il doit convoquer l’intéressé soit par lettre remise en main propre contre décharge, soit par lettre recommandée, en lui indiquant l’objet de la convocation, la date, l’heure, le lieu de l’entretien et en lui rappelant qu’il peut se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l’entreprise. Sauf s’il s’agit d’un licenciement (voir n° 5685), il n’est pas obligé de préciser la nature exacte (Circ. DRT 5-83 du 15-3-1983) ni les motifs (Cass. soc. 17-12-1992 n° 4454) de la sanction envisagée.

 

Précisions

a.  La convocation à l’entretien préalable interrompt la prescription de 2 mois visée n° 7142, un nouveau délai commençant à courir à compter de la date de cette convocation (Cass. soc. 9-10-2001 n° 3750 : RJS 12/01 n° 1430). Lorsqu’il est reporté à une date ultérieure pour des motifs d’ordre matériel ou sur demande du salarié, l’entretien doit donc se tenir dans les 2 mois suivants cette date (Cass. soc. 9-12-2003 n° 2590 et 2591 : RJS 2/04 n° 206).

b.  Il n’y a pas de délai minimum entre la date de la convocation et celle de l’entretien. Le salarié doit cependant être averti suffisamment à l’avance afin de préparer son entretien (Cass. soc. 14-12-1995 n° 5196 : RJS 2/96 n° 103).

c.  Dans les entreprises sans institution représentative du personnel, la possibilité d’une assistance par un conseiller extérieur n’est pas ouverte au salarié faisant l’objet d’une sanction autre qu’un licenciement (Circ. 5-9-1991), telle la rupture anticipée du contrat à durée déterminée pour faute grave (Cass. soc. 25-10-2000 n° 3980 : RJS 4/01 n° 417).

 

Déroulement de l’entretien

7147

Au cours de l’entretien, l’employeur indique le motif de la sanction envisagée et recueille les explications du salarié. Les paroles prononcées par le salarié à cette occasion ne peuvent, sauf abus, constituer une cause de licenciement (Cass. soc. 8-1-1997 n° 56 : RJS 5/97 n° 545). La personne qui assiste le salarié est choisie par celui-ci parmi le personnel de l’entreprise : il ne s’agit donc pas obligatoirement d’un représentant du personnel.

Il ne peut être reproché au salarié de ne pas s’être présenté à l’entretien, celui-ci étant organisé dans son seul intérêt (Cass. soc. 28-11-2000 n° 4839 : RJS 2/01 n° 205).

 

Choix de la sanction

7149

L’employeur est, en principe, libre de choisir la sanction qui lui paraît adaptée au comportement du salarié. Ainsi, il lui est permis, dans l’exercice de son pouvoir d’individualisation des mesures disciplinaires, de sanctionner différemment des salariés qui ont participé à une même faute (Cass. soc. 15-5-1991 n° 1962 : RJS 7/91 n° 841 ; 29-1-1992 n° 501 : RJS 3/92 n° 283 ; 14-5-1998 n° 2367 : RJS 6/98 n° 735) ou de ne pas sanctionner l’un d’entre eux (Cass. soc. 17-12-1996 n° 4852 : RJS 1/97 n° 85).

Il doit cependant se garder de toute discrimination et respecter les dispositions figurant dans le règlement intérieur et le cas échéant dans la convention collective.

En outre, la sanction doit être proportionnelle à la faute commise : voir n° 7162.

L’employeur ne peut infliger d’autres sanctions que celles prévues dans le règlement intérieur : voir n° 7515 (Circ. DRT 91/17 du 10-9-1991 ; CA Versailles 19-10-2004 n° 04-347 : RJS 5/05 n° 513.).

Sous réserve de dispositions conventionnelles plus favorables, la hiérarchie des sanctions prévue par le règlement intérieur ne s’impose pas à l’employeur. Ce dernier n’est pas tenu de prononcer la plus faible des sanctions pour une première infraction (Cass. soc. 27-3-1985 n° 1477 ; 14-6-1984 n° 1619). Il en est toutefois autrement si une clause du règlement intérieur prévoit expressément que les absences injustifiées donnent lieu pour la première fois à un avertissement. Une telle clause s’impose à l’employeur et au juge (Cass. soc. 13-10-1993 n° 3125 : RJS 11/93 n° 1102). De même, un fait isolé ne peut donner lieu à un licenciement pour faute grave si le règlement intérieur réserve cette sanction à des faits répétés après application de sanctions inférieures (Cass. soc. 17-12-1997 n° 4866 : RJS 2/98 n° 173).

Lorsqu’une convention collective prévoit que, sauf en cas de faute grave, il ne peut y avoir de mesure de licenciement à l’égard d’un salarié si ce dernier n’a pas fait l’objet précédemment d’au moins deux sanctions disciplinaires, l’annulation judiciaire des avertissements adressés au salarié rend son licenciement sans cause réelle ni sérieuse (Cass. soc. 30-6-2004 n° 1359 : RJS 10/04 n° 1007).

 

7150

Si, contrairement à ce qu’il avait initialement prévu, l’employeur envisage finalement l’éventualité d’un licenciement, il doit recommencer la procédure, c’est-à-dire convoquer le salarié à un nouvel entretien préalable, dans les conditions visées n° 5680 s. (Circ. 5-9-1991). Dans ce cas, le délai de notification du licenciement visé n° 5723 courra à compter du second entretien (Cass. soc. 28-11-2001 n° 4954 : RJS 2/02 n° 156).

 

Notification de la sanction

Forme et contenu

7152

C. trav. art L 122-41 ; R 122-18

N-IV- 22110 s

Aucune sanction ne peut être infligée au salarié sans que celui-ci soit informé dans le même temps et par lettre remise en main propre contre décharge ou lettre recommandée des griefs retenus contre lui. Les motifs ainsi énoncés fixent les limites du litige, l’employeur ne pouvant plus invoquer un fait distinct, pour justifier la sanction prononcée (Cass. soc. 26-1-1989 : RJS 3/89 n° 224 ; 26-2-1992 n° 1015 : RJS 4/92 n° 413). A défaut de motivation, la sanction est injustifiée, peu important que l’employeur ait, comme il le devait, indiqué au salarié au cours de l’entretien préalable les griefs formulés contre lui (Cass. soc. 23-1-1997 n° 335 : RJS 3/97 n° 281).

 

Délais

7153

Si la sanction consiste en un avertissement ou une sanction de même nature, elle doit être prononcée moins de 2 mois après que l’employeur a eu connaissance des faits fautifs : voir n° 7142.

 

7154

S’il s’agit d’une sanction soumise à entretien préalable, l’employeur doit attendre un jour franc avant d’envoyer au salarié ou de lui remettre la lettre de notification : si l’entretien a lieu le lundi, la sanction ne pourra être notifiée au salarié avant le mercredi à 0 heure.

La notification ne doit pas, par ailleurs, être expédiée ou remise plus d’un mois après le jour fixé pour l’entretien, sauf si, dans l’intervalle, une procédure imposée par une disposition conventionnelle a été mise en oeuvre (Cass. soc. 23-6-2004 n° 1288 : RJS 10/04 n° 1039). Dans ce cas, le salarié doit en être informé avant l’expiration du délai d’un mois (Cass. soc. 30-10-1991 n° 3769 : RJS 12/91 n° 1316 ; 13-2-2001 n° 667 : RJS 4/01 n° 447), la notification de la sanction devant en outre intervenir dans le mois suivant la fin des formalités conventionnelles (Cass. soc. 4-5-1995 n° 1926 : RJS 6/95 n° 630 ; 3-4-1997 n° 1591 : RJS 7/97 n° 816). De même, lorsque l’employeur doit recueillir l’autorisation de l’inspecteur du travail pour licencier un salarié protégé (n° 8055 s.), le délai d’un mois court à compter du jour de réception de l’autorisation (Cass. soc. 28-10-2003 n° 2230 : RJS 1/04 n° 78).

a.  Le délai d’un mois imparti à l’employeur pour notifier la sanction, expire à 24 heures le jour du mois suivant qui porte le même quantième que le jour de l’entretien. A défaut de quantième identique, il expire le dernier jour du mois suivant à 24 heures. Par exemple, si un entretien a été fixé au 24 mai, le délai d’un mois pour notifier la sanction expire le 24 juin à minuit. Si l’entretien a été fixé au 31 mai, il expire le 30 juin à minuit.

Si le dernier jour est un samedi, dimanche ou jour férié ou chômé, il est prorogé jusqu’au premier jour ouvrable suivant. Ainsi, pour un entretien fixé au jeudi 14 ou vendredi 15 septembre 2006, l’échéance (samedi 14 ou dimanche 15 octobre) est reportée au lundi 16 octobre à minuit.

b.  Le fait que le salarié ne se soit pas présenté à l’entretien n’exonère pas l’employeur de respecter le délai d’un mois (Cass. soc. 6-1-1999 n° 53 : RJS 2/99 n° 201). Si l’entretien a été reporté à la demande du salarié, c’est à compter de cette dernière date que court le délai (Cass. soc. 3-2-2004 n° 215 : RJS 4/04 n° 395).

 

Exécution de la sanction

Délai

7156

Aucune disposition légale n’impose à l’employeur un délai pour la réalisation matérielle d’une sanction une fois celle-ci notifiée au salarié. Toutefois, si l’exécution en est différée pendant de longs mois sans explication, l’employeur peut être considéré comme y ayant renoncé (Cass. soc. 10-7-2002 n° 2371 : RJS 10/02 n° 1121). L’arrêt de travail du salarié pour maladie pendant la période prévue pour l’exécution d’une mise à pied disciplinaire ne permet pas le report de la prise d’effet de cette sanction, sauf fraude de l’intéressé (Cass. soc. 21-10-2003 n° 2222 : RJS 12/03 n° 1388).

 

Refus du salarié

7157

En principe, le salarié, s’il peut contester la sanction qui lui est infligée (voir n° 7160), ne peut s’opposer à son exécution à moins qu’elle ne constitue une modification de son contrat de travail : voir n° 7158.

Le fait pour un salarié de se présenter à son travail le jour de la prise d’effet d’une mise à pied et de refuser de quitter les lieux est une insubordination qui selon les cas pourra être qualifiée de faute grave (Cass. soc. 25-5-1989 n° 2094) ou de simple cause réelle et sérieuse de licenciement (Cass. soc. 4-10-1990 n° 3245 : RJS 11/90 n° 859). Jugé en revanche que le refus par le salarié de recevoir les lettres lui notifiant des avertissements qu’il n’a par ailleurs pas contestés ne constituait pas une faute d’insubordination (Cass. soc. 18-2-2004 n° 378 : RJS 5/04 n° 538).

 

7158

L’employeur ne peut pas imposer une modification du contrat à titre disciplinaire à un salarié. Le refus de ce dernier n’est donc pas en lui-même fautif. A défaut d’avoir donné son accord, l’intéressé est fondé à se prévaloir du maintien de son statut antérieur (Cass. soc. 15-6-2000 n° 2841 : RJS 9-10/00 n° 948). Cependant, l’employeur est alors en droit de prononcer une autre sanction dans le cadre de son pouvoir disciplinaire (Cass. soc. 16-6-1998 n° 3414 : RJS 7/98 n° 858 ; 7-7-2004 n° 1575 : RJS 10/04 n° 1038), notamment un licenciement (Cass. soc. 19-2-2003 n° 470 : RJS 5/03 n° 606).

Lorsqu’un licenciement est prononcé à la place de la sanction refusée, la lettre de licenciement doit énoncer les motifs de la rupture, et non pas simplement faire référence aux fautes visées par la lettre notifiant la sanction initiale (Cass. soc. 1-4-2003 n° 1043 : RJS 6/03 n° 718).

 

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