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 II. Sanction disciplinaire
Définition
7120
C. trav. art L 122-40
N-IV-12300 s
Constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l’employeur à la suite d’un agissement du salarié considéré par lui comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l’entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération.
Si elle interdit les sanctions pécuniaires ou discriminatoires (voir n° 7128), la loi ne donne pas de liste de sanctions. La nature et l’échelle de celles-ci doivent être fixées par le règlement intérieur : n° 7514 s.
A noter que l’employeur qui se place sur le terrain disciplinaire est tenu par l’analyse ainsi faite. Il ne saurait prétendre par la suite justifier la mesure prise par des motifs non disciplinaires. Cette règle s’applique notamment en matière de licenciement : voir n° 5724.
Agissement sanctionné
7121
Le comportement fautif du salarié doit, en principe, se manifester par un acte positif ou une abstention de nature volontaire (Circ. DRT 5-83 du 15-3-1983). Ainsi, l’insuffisance professionnelle ne constitue un motif de sanction disciplinaire que si elle résulte d’une volonté délibérée du salarié de mal exécuter la prestation de travail (voir n° 5656 s.).
La faute ne peut résulter que d’un fait avéré, imputable au salarié (Cass. soc. 21-3-2000 n° 1509 : RJS 5/00 n° 509) et constituant une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail (Cass. soc. 29-1-2002 n° 481). Dans le cas où cette faute fait suite à une violation par l’employeur de ses obligations, voir n° 2522.
Aucune sanction disciplinaire ne peut être infligée au salarié à titre préventif (Cass. soc. 18-2-2004 n° 381 : RJS 5/04 n° 537). En effet, une faute ne saurait être sanctionnée avant d’avoir été commise. Par ailleurs, la jurisprudence interdit de sanctionner plusieurs fois la même faute : voir n° 7130.
Avertissement ou blâme
7122
Une réprimande orale, même accompagnée de mises en garde ou d’injonctions, ne doit pas être considérée comme une sanction (Circ. DRT 5-83 du 15-3-1983). En revanche, constitue un avertissement la lettre de l’employeur reprochant au salarié diverses erreurs et le mettant en demeure de faire des efforts (Cass. soc. 13-10-1993 n° 3116 : RJS 2/94 n° 152 ; 13-11-2001 n° 4641 : RJS 1/02 n° 60). Ce type de sanction est le seul pour lequel la loi n’impose pas la tenue d’un entretien préalable : voir n° 7146.
Mesure touchant aux fonctions ou attributions du salarié
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Le changement d’affectation du salarié, lorsqu’il est décidé pour un motif disciplinaire, constitue une sanction. S’il s’accompagne d’une perte de responsabilité ou d’un changement de classement, il s’agit d’une rétrogradation.
Une mesure de rétrogradation ne constitue pas une sanction pécuniaire prohibée lorsque la diminution de rémunération qu’elle entraîne résulte de l’affectation du salarié à une fonction ou à un poste différent et de moindre qualification (notamment Cass. soc. 7-7-2004 n° 1575 : RJS 10/04 n° 1038 ; CE 10-7-1987 n° 71338). Cette baisse de salaire ne constitue pas non plus une double sanction, dès lors qu’elle n’est que la conséquence de la rétrogradation du salarié dans un emploi différent (Cass. soc. 17-2-1993 n° 693 : RJS 4/93 n° 394).
7124
Quelle qualification donner aux mesures décidées par l’employeur qui, sans constituer une rétrogradation, conduisent à écarter le salarié de certaines des fonctions ? La jurisprudence rendue en la matière semble dépendre des faits de chaque espèce.
a. Ne constitue pas une sanction disciplinaire la lettre par laquelle l’employeur enjoint au salarié, en raison de son comportement, de cesser tout rapport avec la clientèle et de s’en tenir à l’étude de certains dossiers (Cass. soc. 10-7-1995 n° 3182 : RJS 10/95 n° 1020). Jugé à l’inverse que constitue une sanction disciplinaire la mise à l’écart d’un salarié de la suppléance à la conduite des trains rapides dès lors que cette décision est liée à un comportement considéré par l’employeur comme fautif (Cass. soc. 28-6-1989 n° 2743 : RJS 8-9/89 n° 679).
b. Si la décision de l’employeur de retarder un avancement statutairement prévu à l’ancienneté est une sanction disciplinaire (Cass. soc. 15-4-1992 n° 1898 : RJS 6/92 n° 736), il n’en est pas de même si la promotion est fondée sur un critère de choix et donc facultative (Cass. soc. 18-3-1992 n° 1421 : RJS 5/92 n° 615 ; 5-5-1999 n° 1917 : RJS 6/99 n° 788). Mais si ce refus est abusif, il peut donner lieu à une action en responsabilité civile (Cass. soc. 20-3-1990 n° 1310 : RJS 5/90 n° 377).
Mise à pied
7125
La mise à pied est une suspension du contrat de travail imposée par l’employeur. Elle est qualifiée de sanction si elle est destinée à punir un comportement fautif du salarié (mise à pied disciplinaire). En revanche, elle ne sera pas considérée comme une sanction si elle est destinée à donner à l’employeur un délai pour statuer sur le cas de l’intéressé (mise à pied conservatoire).
Précisions
a. La mise au chômage partiel parfois qualifiée de mise à pied pour motif économique n’est pas une sanction disciplinaire (Cass. soc. 26-11-1987 n° 4258 ; 12-11-1992 n° 4004).
b. La durée limitée de la suspension du contrat de travail est l’une des caractéristiques de la mise à pied disciplinaire permettant de la distinguer de la mise à pied conservatoire (notamment : Cass. soc. 6-11-2001 nO 4432 : RJS 2/02 nO 176 ; 12-2-2003 n° 393 : RJS 4/03 n° 456).
Par ailleurs, pour avoir un caractère conservatoire, une mise à pied doit être suivie immédiatement de l’ouverture d’une procédure de licenciement (Cass. soc. 18-2-1998 n° 930 : RJS 4/98 n° 462 ; 30-9-2004 n° 1839 : RJS 12/04 n° 1264). Une mise à pied qui ne fait aucune référence à l’éventualité d’un licenciement n’est pas conservatoire mais disciplinaire (Cass. soc. 19-4-2000 n° 1730).
S’agissant de la rémunération due pour la période de mise à pied conservatoire, voir n° 7144.
Sanctions interdites
7128
C. trav. art. L 122-42, L 122-45, L 152-1-5
N-IV-14800 s
Aucun salarié ne peut être sanctionné pour un motif discriminatoire : voir n° 4040 s.
Par ailleurs, les amendes et autres sanctions pécuniaires sont interdites. Toute disposition contraire est réputée non écrite. Il s’agit d’une interdiction générale visant toute forme de retenue sur salaire en raison d’une faute du salarié ou d’une exécution volontairement défectueuse de sa prestation de travail.
Au plan pénal, les infractions à cette interdiction sont passibles d’une amende de 3 750 €, portée à 7 500 € au plus en cas de récidive. Sur la responsabilité des personnes morales, voir n° 8116.
Précisions
a. Lorsqu’un salarié n’est pas rémunéré en fonction du rendement, la réduction de son salaire pour exécution défectueuse du travail ou baisse volontaire de la production s’analyse en une sanction pécuniaire (Cass. soc. 12-4-1995 n° 1649 : RJS 5/95 n° 549). Ce principe trouve en particulier à s’appliquer lorsque l’employeur procède à des retenues sur la rémunération de salarié participant à des mouvements de grève illicites (grève du zèle : Cass. soc. 16-3-1994 n° 1354 : RJS 5/94 n° 548) ou reprenant le travail de façon ralentie à la suite de débrayages répétés (Cass. soc. 17-4-1991 n° 1706 : RJS 5/91 n° 580).
b. L’attribution d’une prime ne saurait être refusée en raison d’une faute (Cass. soc. 22-11-1995 n° 4523 : RJS 1/96 n° 24 ; 4-6-1998 n° 2742 : RJS 7/98 n° 859). Elle peut en revanche, sans être illicite, être subordonnée à une condition de présence si toute absence, quel qu’en soit le motif, conduit à sa suppression (voir n° 1740).
c. Le fait d’accorder à certains salariés une augmentation de salaire en raison de leurs qualités professionnelles ne constitue pas une sanction pécuniaire à l’égard des autres salariés (Cass. crim. 26-4-1988 n° 87-83.867 ; Cass. soc. 29-5-1990 n° 2302 : RJS 7/90 n° 575).
En revanche, il y a sanction pécuniaire illicite lorsque certains salariés sont écartés, pour des motifs disciplinaires, du bénéfice d’une augmentation générale (Cass. soc. 19-7-1995 n° 3365 : RJS 10/95 n° 1021). De même, la suppression d’un avantage, tel que des billets à tarif réduit (Cass. soc. 22-10-1996 n° 3903 : RJS 12/96 n° 1269) ou un véhicule de société (Cass. soc. 12-12-2000 n° 4985 : RJS 5/01 n° 682), en raison d’une faute, constitue une sanction pécuniaire prohibée.
d. La réclamation au salarié de sommes indûment perçues ne constitue pas une sanction pécuniaire (Cass. soc. 8-7-1997 n° 2990 : RJS 10/97 n° 1094) ni la réitération de la sanction déjà prononcée (Cass. soc. 18-11-1992 n° 3811 : RJS 1/93 n° 33).
Non-cumul des sanctions
7130
N-IV-16120 s
Un même fait ne saurait justifier successivement deux mesures disciplinaires (jurisprudence constante). Ainsi est sans cause réelle et sérieuse le licenciement survenu en l’absence de tout fait nouveau après un avertissement (Cass. soc. 13-7-1989 n° 2766 ; 13-11-2001 n° 4641 : RJS 1/02 n° 60). De même la faute du salarié sanctionnée par une mise à pied disciplinaire ne saurait ensuite justifier l’exécution d’une mise à pied conservatoire en attente d’un licenciement (Cass. soc. 18-2-2004 n° 381 : RJS 5/04 n° 537).
En revanche, l’existence de nouveaux griefs autorise l’employeur à retenir des fautes antérieures, même déjà sanctionnées, pour apprécier la gravité des faits reprochés au salarié (Cass. soc. 15-3-1994 n° 1456 ; 9-3-1999 n° 1084 : RJS 4/99 n° 509 ; 9-3-1999 n° 1084 : RJS 4/99 n° 509 ; 30-9-2004 n° 1836 : RJS 1/05 n° 37). Toutefois, aucune sanction antérieure de plus de 3 ans à l’engagement des poursuites disciplinaires (voir n° 7142) ne peut être invoquée pour justifier ou aggraver une nouvelle sanction (C. trav. art. L 122-44, al. 2).
Par ailleurs, tant que le salarié n’a pas reçu la lettre lui notifiant une sanction, l’employeur ne saurait le sanctionner à nouveau en lui reprochant la persistance de son comportement fautif (Cass. soc. 27-6-2001 n° 3069 : RJS 10/01 n° 1140).
Amnistie
7132
Loi 2002-1062 du 6-8-2002 art. 11 Ã 13 Circ. DRT 17 du 19-9-2002
N-IV-16800 s
Les fautes commises avant le 17 mai 2002 sont, sous certaines conditions, amnistiées de plein droit.
a. Conditions
Lorsque la faute a donné lieu à une condamnation pénale, son amnistie est subordonnée à l’amnistie de l’infraction, sauf si est intervenue la réhabilitation légale ou judiciaire du condamné.
Les fautes constituant des manquements à la probité, aux bonnes moeurs ou à l’honneur ne peuvent être amnistiées que sur mesure individuelle du président de la République. La demande d’amnistie doit être déposée dans un délai d’un an soit à compter de la publication de la loi, soit de la condamnation définitive.
b. Conséquences
Les employeurs sont tenus de retirer des dossiers de leurs salariés toute mention relative à une sanction amnistiée.
Des sanctions pénales sont encourues par les personnes physiques et morales pour toute référence à une sanction ou condamnation amnistiée.
Toutefois, l’amnistie est sans effet sur les conséquences financières que la sanction du fait amnistié a pu entraîner (Cass. soc. 29-5-1985 n° 2045 ; 8-4-1992 n° 1825).
De même, la loi d’amnistie n’invalide pas le licenciement prononcé avant son entrée en vigueur (Cass. soc. 1-12-2005 n° 2615 : RJS 2/06 n° 206).