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Limites du droit de grève
Limites légales
Les seules interventions du législateur en vue de réglementer le droit de grève concernent les services publics :
- interdiction pour les compagnies républicaines de sécurité, personnels de police, services extérieurs de l’administration pénitentiaire, militaires et magistrats ;
- reconnaissance du droit de grève dans les autres secteurs de la fonction publique et dans les entreprises de services publics mais sous certaines conditions définies par la loi (C. trav. art. L 521-2 à 6) : obligation d’un préavis de 5 jours francs motivé, interdiction des grèves tournantes (n° 1707) et des grèves surprises.
Précisions
a. Le non-respect du préavis, lequel doit émaner des organisations syndicales les plus représentatives, constitue une faute de nature à engager la responsabilité de celles-ci (Cass. soc. 6-2-1985 n° 575). L’action en justice tendant à faire déclarer irrégulier le préavis doit être dirigée, non contre les délégués syndicaux qui l’ont déposé, mais contre les organisations au nom desquelles ils ont agi (Cass. soc. 6-11-1991 n° 3890).
Même si le préavis déposé par un syndicat est irrégulier, les salariés ne commettent pas de faute en participant à la grève dans le respect du délai de prévenance (Cass. soc. 25-2-2003 n° 502 : RJS 5/03 n° 657).
Un salarié peut rejoindre un mouvement de grève à tout moment pendant la période fixée par le préavis (Cass. soc. 8-12-2005 n° 2731 : RJS 2/06 n° 263).
b. Dans certains secteurs, le droit de grève est en outre limité par l’obligation d’assurer un service minimum, notamment : radiodiffusion et télévision (Loi 86-0167 du 30-9-1986 art. 57, II) ; navigation aérienne pour certains personnels (Loi 84-1286 du 31-12-1984 ; Décret 85-1332 du 17-12-1985).
c. A défaut de dispositions législatives réglementant l’exercice du droit de grève dans les services publics, il appartient à l’autorité administrative compétente d’édicter, sous le contrôle du juge, les restrictions à l’exercice de ce droit nécessaires à la préservation de l’ordre public et à la continuité du service (CE 13-11-1992 n° 88177 : RJS 2/93 n° 173 ; 30-11-1998 n° 183359 : RJS 2/99 n° 256).
d. L’interdiction des grèves tournantes n’exclut pas la possibilité pour plusieurs syndicats de présenter chacun un préavis de grève avec une date de cessation de travail différente (Cass. soc. 4-2-2004 n° 224 : RJS 4/04 n° 443).
1727
Grève– Limites du droit de grève– Restrictions légales dans le secteur public : régularité du préavis
Cass. soc. 7-6-2006 n° 1458 FS-PB : BS 10/06 inf. 885
Limites jurisprudentielles
1728
M-II-6700 s
La loi ne réglementant pas, sauf exception, l’exercice du droit de grève, les tribunaux ont été amenés à en préciser les limites.
La jurisprudence de la Cour de cassation distingue deux démarches permettant au juge de condamner les mouvements ne correspondant pas à un usage normal du droit de grève : disqualification de la grève en mouvement illicite (n° 1729) ou reconnaissance d’un abus du droit de grève (n° 1730).
Sur le pouvoir du juge des référés d’apprécier, avant le déclenchement de la grève, le caractère raisonnable ou non des revendications, voir n° 1717.
1729
Ne constitue pas une grève mais un mouvement illicite l’arrêt de travail ne répondant pas à la définition de la grève (n° 1702 s.).
Précisions
a. Doivent ainsi notamment être considérées comme des mouvements illicites les grèves perlées (n° 1703), les grèves purement politiques (n° 1721) ainsi que les grèves de solidarité ne défendant pas des intérêts professionnels et collectifs (n° 1722).
En revanche, dès lors que l’exercice du droit de grève se trouve caractérisé, le fait que certains grévistes commettent des actes illicites au cours de ce mouvement ne suffit pas pour en modifier la nature (Cass. soc. 18-1-1995 n° 595 : RJS 3/95 n° 289).
b. Les salariés participant à un mouvement illicite commettent une faute professionnelle. Ce mouvement ne constituant pas une grève, ils ne peuvent bénéficier de la législation protectrice édictée par l’article L 521-1 du Code du travail (n° 1735 s.). L’employeur peut en conséquence les sanctionner, et éventuellement les licencier, sans avoir à justifier d’une faute lourde (Cass. soc. 16-11-1993 n° 3602 : RJS 1/94 n° 72), le juge gardant toutefois un pouvoir de contrôle sur la gravité de la faute retenue.
Sur la possibilité de réduire la rémunération des salariés ayant participé à un tel mouvement, voir n° 7128.
1730
Une grève entraînant nécessairement une désorganisation de la production, elle ne peut être considérée comme abusive que si elle entraîne ou risque d’entraîner la désorganisation de l’entreprise elle-même (Cass. soc. 18-1-1995 n° 595 : RJS 3/95 n° 289 ; 11-1-2000 n° 133 : RJS 2/00 n° 201). S’agissant de l’abus de droit en cas de débrayages répétés, voir n° 1706.
Une cour d’appel ne peut caractériser l’abus du droit de grève en se bornant à relever un certain nombre d’actes illicites et une désorganisation de la production, sans préciser si, et à quel moment, ces actes illicites révélaient un risque de désorganisation de l’entreprise elle-même (Cass. soc. 18-1-1995 n° 595 : RJS 3/95 n° 289).
L’abus du droit de grève constitue en principe une faute lourde (n° 1750 s.).
Limites conventionnelles
1731
M-II-10100 s
Une convention collective ne peut avoir pour effet de limiter ou de réglementer l’exercice du droit de grève. En particulier, seule la loi peut créer un délai de préavis s’imposant aux salariés (Cass. soc. 7-6-1995 n° 2480 : RJS 8-9/95 n° 933 ; 12-3-1996 n° 1168 : RJS 4/96 n° 439).
Cette solution vaut pour tout type de formalité susceptible d’être imposée par voie de dispositions conventionnelles (procédure de conciliation préalable au déclenchement de la grève notamment). Elle interdit à l’employeur de reprocher au salarié sa participation à une grève inopinée ne respectant pas de telles dispositions.
La Cour de cassation avait antérieurement admis, sous certaines conditions, la validité des « clauses d’attente » imposant le respect d’un préavis ou d’une procédure de conciliation préalable au déclenchement de la grève (Cass. soc. 5-5-1960 n° 57-40.126 ; 27-2-1974 n° 72-40.726), seuls les salariés ayant sciemment enfreint ces formalités pouvant toutefois être sanctionnés (Cass. soc. 8-10-1987 n° 3228 ; 10-10-1990 n° 3596 : RJS 12/90 n° 1014).
Compte tenu de la position très nette prise par la Cour de cassation depuis 1995, les « clauses d’attente » existantes sont privées d’effet à l’égard des salariés.
Ainsi, est illicite la clause du règlement intérieur limitant la grève au motif pris de la seule sécurité des usagers de l’établissement, alors qu’il n’est pas démontré que l’absence d’une partie du personnel mettrait en cause la sécurité générale (CE 27-7-2005 n° 254600 : RJS 11/05 n° 1089).
A noter toutefois qu’a été jugée valable une clause du règlement intérieur imposant au personnel soignant de prévenir leur employeur avec un délai suffisant, dans le but exclusif d’assurer en toutes circonstances la sécurité et la santé des patients (CAA Douai 20-12-2002 n° 99-20212 : RJS 10/03 n° 1165).