Modification d’un élément essentiel du contrat

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Section 5  Modification du contrat

 

2570

Au cours de l’exécution du contrat de travail, l’employeur peut, pour différentes raisons, souhaiter modifier les conditions d’emploi du salarié. Le régime et les conséquences de la mesure envisagée diffèrent selon que celle-ci entraîne une modification du contrat de travail ou un simple changement des conditions de travail du salarié (n° 2572 s.).

Doivent également être distinguées de la modification du contrat, les mesures correspondant à la révocation d’un usage applicable dans l’entreprise ou d’un engagement unilatéral de l’employeur (n° 2581 s.) ou à la mise en chômage partiel du personnel (n° 2584).

Concernant la portée sur le contrat de travail de la révision d’une convention ou d’un accord collectif et de l’entrée en vigueur d’un nouvel accord collectif, voir, respectivement, n° 6331 et 6393, b.

S’agissant de la modification d’un régime complémentaire de retraite mis en place par voie référendaire, voir n° 7464.

Lorsque c’est le salarié qui sollicite une modification de son contrat ou un changement de ses conditions de travail, l’employeur est en principe libre d’accepter ou non cette demande, sous réserve des dispositions pouvant restreindre ce droit (voir notamment n° 8838, b). Une telle demande ne saurait constituer en elle-même une faute (Cass. soc. 9-1-2002 n° 63 : RJS 2/02 n° 274). En revanche, commet une faute pouvant justifier son licenciement le salarié qui, suite au refus de l’employeur, décide d’exécuter son contrat aux conditions refusées (Cass. soc. 13-10-1999 n° 3554 ; 30-1-2002 n° 452 : RJS 5/02 n° 529) ou cesse de travailler (CA Paris 18-6-1996 : RJS 8-9/96 n° 909).

Sur les modalités et les conséquences de la demande du salarié de passer à temps partiel, voir n° 8837 s. (temps partiel choisi), n° 1880 (naissance ou arrivée au foyer d’un enfant) et n° 1907 s. (création d’entreprise).

 

 

 I.  Définition

 

Modification d’un élément essentiel du contrat

2572

N-VI-3600 s

Dès lors que la mesure envisagée par l’employeur affecte un ou plusieurs éléments essentiels du contrat de travail d’un salarié, elle correspond à une modification du contrat subordonnée à l’accord de l’intéressé selon la procédure visée n° 2588 s.

Les éléments essentiels du contrat de travail ne sont pas définis par la loi. Pour les déterminer, il convient de se reporter aux critères de distinction entre la modification du contrat et le simple changement des conditions de travail, fixés par la jurisprudence, aux clauses contractuelles, voire à la commune intention des parties.

En tout état de cause, la modification du contrat de travail ne doit pas porter atteinte au principe général de non-discrimination (n° 4040) ou à des dispositions d’ordre public, telles que celles prévues par l’article L 122-12, al. 2 du Code du travail, notamment (n° 8631).

 

Rémunération

2573

N-VI-6200 s

La rémunération du salarié résulte en principe du contrat de travail (Cass. soc. 20-10-1998 n° 4196 : RJS 12/98 n° 1448), sous réserve d’une part du Smic et, d’autre part, des avantages prévus par les accords collectifs (n° 6336 s.) et les usages ou engagements unilatéraux de l’employeur (n° 2581).

La rémunération contractuelle ou son mode de calcul ne peuvent être modifiés sans l’accord du salarié (Cass. soc. 3-3-1998 n° 1809 : RJS 4/98 n° 417 ; 3-7-2001 n° 3276 : RJS 10/01 n° 1112).

 

Précisions

Il en va ainsi même si l’employeur considère que le nouveau mode de rémunération est plus avantageux (Cass. soc. 28-1-1998 n° 370 : RJS 3/98 n° 274 ; 12-3-2002 n° 979 : RJS 5/02 n° 532) ou si la modification ne porte que sur la partie variable du salaire (Cass. soc. 16-2-1999 n° 836 : RJS 4/99 n° 475 ; 8-1-2002 n° 4 : RJS 3/02 n° 264) et n’affecte pas négativement la rémunération globale de l’intéressé (Cass. soc. 9-12-1998 n° 5146 : RJS 1/99 n° 45).

Par ailleurs, conformément au principe visé n° 6393, b, seules les dispositions d’un nouvel accord collectif, plus favorables en matière de rémunération, se substituent de plein droit aux clauses du contrat (Cass. soc. 13-11-2001 n° 4638 et 4639 : RJS 1/02 n° 12 ; 27-6-2002 n° 2326 : RJS 10/02 n° 1075). Un nouvel accord collectif, même s’il prévoit une garantie de maintien de salaire, ne permet pas à l’employeur de diminuer unilatéralement le taux horaire contractuel du salaire (Cass. soc. 3-7-2001 n° 3282 : RJS 10/01 n° 1113). De même, une prime conventionnelle ne saurait être intégrée dans la rémunération contractuelle du salarié sans son accord (Cass. soc. 23 octobre 2001 n° 4330 : RJS 1/02 n° 36).

Sur la portée des clauses contractuelles prévoyant une modification de la rémunération, voir n° 2577.

 

Temps de travail

2574

 

N-VI-6850 s

L’employeur ne peut modifier, sans l’accord du salarié, la durée du travail telle que mentionnée au contrat (Cass. soc. 20-10-1998 n° 4194 : RJS 12/98 n° 1445 ; 21-3-2000 n° 1398 : RJS 7-8/00 n° 774).

Toutefois, en cas de réduction négociée de la durée collective du travail, les principes suivants s’appliquent : la seule réduction de la durée du travail résultant de l’accord collectif ne constitue pas une modification des contrats de travail (C. trav. art. L 212-3). Un tel accord s’impose à tous les salariés, y compris aux salariés protégés, dès lors qu’il prévoit le maintien du salaire antérieur (Cass. soc. 26-2-2003 n° 630 : RJS 4/03 n° 469). Il n’en va pas de même s’il modifie la rémunération ou un autre élément du contrat de travail (Cass. soc. 27-3-2001 n° 1335 : RJS 6/01 n° 751 ; 13-11-2002 n° 3227 : RJS 1/03 n° 42) ou si la réduction collective du temps de travail ne résulte pas d’un accord collectif (CA Riom 30-4-2001 n° 00-2632 à 00-2637 : RJS 8-9/01 n° 1028). Dans ce cas, l’accord des salariés est requis.

 

Précisions

a.  L’employeur peut librement fixer une nouvelle répartition des horaires de travail au sein de la journée (Cass. soc. 22-2-2000 n° 910 : RJS 4/00 n° 374 ; 9-4-2002 n° 1340 : RJS 7/02 n° 785) ou de la semaine (Cass. soc. 16-5-2000 n° 2234 : RJS 7-8/00 n° 771 ; 27-6-2001 n° 3085 : RJS 10/01 n° 1111). Il en est ainsi à condition qu’il ne s’agisse pas d’horaires contractualisés (Cass. soc. 11-7-2001 n° 3533 : RJS 10/01 n° 1111) ou considérés comme déterminants par les parties (n° 2579). De même, il ne doit en résulter aucune modification de la durée contractuelle du travail ou de la rémunération contractuelle (Cass. soc. 9-4-2002 n° 1340 : RJS 7/02 n° 785).

Toutefois, ne constitue pas une simple répartition des horaires mais une modification du contrat, le passage d’un horaire fixe à un horaire variable (Cass. soc. 14-11-2000 n° 4726 : RJS 1/01 n° 10), d’un horaire continu à un horaire discontinu (Cass. soc. 18-12-2000 n° 5232 : RJS 2/01 n° 168), d’un horaire de jour à un horaire de nuit (Cass. soc. 5-6-2001 n° 2626 et 2627 : RJS 8-9/01 n° 992 ; 18-6-2002 n° 2055 : RJS 11/02 n° 1205), ou inversement.

b.  Concernant l’incidence sur le contrat :

-  de la transformation d’un horaire de travail à temps complet en horaire à temps partiel, voir n° 8874 ;

-  de la demande d’exécution ou de la réduction ou suppression d’heures supplémentaires, voir n° 3844 ;

-  de l’utilisation régulière d’heures complémentaires dans le cadre d’un contrat à temps partiel, voir n° 8851 ;

-  de la modification de la durée du travail ou de la répartition des horaires de travail d’un salarié à temps partiel, voir n° 8858 s. ;

-  de la mise en place ou de la suppression d’astreintes, voir n° 3798, a ;

-  de l’institution de la journée travail de solidarité, voir n° 3993.

 

2574

Modification du contrat de travail – Temps de travailTravailleurs à domicile

S’il est exact qu’un employeur n’a pas l’obligation, sauf disposition conventionnelle ou contractuelle contraire, de fournir un volume de travail constant au travailleur à domicile, il ne peut cependant modifier unilatéralement et sans justification la quantité de travail fourni et la rémunération, même si le contrat de travail contient une clause spécifiant que l’employeur ne s’engage pas à fournir un minimum de travail.

L’employeur qui réduit arbitrairement, sans raison objective, de façon considérable la quantité de travail et, par voie de conséquence, la rémunération d’un salarié à domicile commet une faute et doit réparer le préjudice en découlant par le versement de dommages-intérêts dont le montant est souverainement évalué par les juges du fond.

Cass. soc. 5-4-2006 n° 970 FS-PB : BS 6/06 inf. 641

 

Lieu de travail

2575

 

N-VI-7400 s

La mutation d’un salarié non soumis à une obligation contractuelle ou conventionnelle de mobilité (n° 2578), ou dont le contrat ne comporte pas une clause stipulant de manière claire et précise que l’intéressé exécutera son travail exclusivement dans ce lieu (Cass. soc. 3-6-2003 n° 1605 et 1606 : RJS 8-9/03 n° 980 ; 21-1-2004 n° 132 : RJS 3/04 n° 301), emporte modification du contrat dès lors que le nouveau lieu de travail se situe dans un secteur géographique différent (Cass. soc. 16-12-1998 n° 5429 : RJS 2/99 n° 157 ; 4-1-2000 n° 27 : RJS 2/00 n° 152).

Le changement de secteur géographique doit être apprécié objectivement, sans tenir compte des conséquences de cette mutation pour le salarié : absence de trajet supplémentaire ou faible trajet supplémentaire, notamment (Cass. soc. 4-5-1999 n° 1899 : RJS 6/99 n° 792). En revanche, il peut être tenu compte, d’une manière générale, de la desserte en moyens de transport de chacun des sites de travail (Cass. soc. 15-6-2004 n° 1028 : RJS 10/04 n° 997).

 

Précisions

a.  Par dérogation au principe ci-dessus visé, un déplacement occasionnel en dehors du secteur géographique où le salarié travaille habituellement peut lui être imposé si la mission est justifiée par l’intérêt de l’entreprise et si les fonctions de l’intéressé impliquent de sa part une certaine mobilité (Cass. soc. 22-1-2003 n° 177 : RJS 3/03 n° 313). S’agissant de l’envoi en mission ponctuelle en Allemagne d’un salarié embauché pour ses connaissances en allemand, voir n° 8906.

b.  Constitue une modification du contrat le fait pour l’employeur de demander à un salarié de travailler à domicile et d’y installer ses instruments de travail, du fait de la suppression du bureau dont il disposait dans l’entreprise (Cass. soc. 2-10-2001 n° 4163 : RJS 12/01 n° 1399). Jugé de même lorsqu’il est demandé à un salarié effectuant son travail administratif à domicile de se rendre désormais deux jours par semaine au siège de la société, situé à plus de 200 km (Cass. soc. 13-4-2005 n° 881 : RJS 6/05 n° 600).

 

2575

Modification du contrat de travail – Lieu de travail : travail à domicile

Lorsqu’un salarié est autorisé à exécuter tout ou partie de sa prestation de travail à domicile, l’employeur ne peut modifier cette organisation contractuelle du travail sans l’accord du salarié, même en présence d’une clause de mobilité.

Cass. soc. 31-5-2006 n° 1427 FS-PBRI : FRS 15/06 inf. 3 p. 9

 

Autres modifications

2576

N-VI-7800 s

L’employeur ne peut imposer au salarié une modification de sa qualification (Cass. soc. 23-1-2001 n° 227 : RJS 5/01 n° 563 ; 2-10-2002 n° 2772 : RJS 12/02 n° 1351) ou de la nature de ses fonctions (Cass. soc. 8-10-2003 n° 2093 : RJS 1/04 n° 4). Il en va ainsi même en cas d’insuffisance professionnelle (Cass. soc. 7-7-2004 n° 1580). En revanche il peut, sans l’accord du salarié, affecter celui-ci à une tâche différente de celle qu’il exerçait antérieurement, mais correspondant à sa qualification (Cass. soc. 10-5-1999 n° 2148 : RJS 6/99 n° 791 ; 9-4-2002 n° 1340 : RJS 7/02 n° 785).

Concernant les éléments du contrat de travail d’un VRP ne pouvant être modifiés sans son accord, voir n° 7637.

a.  Mise à disposition d’une autre entreprise. Elle ne constitue pas, en soi, une modification du contrat de travail (Cass. soc. 1-4-2003 n° 1109 : RJS 6/03 n° 708 ; 15-3-2005 n° 603 : RJS 6/05 n° 601). Les liens avec l’employeur d’origine n’étant pas rompus, celui-ci doit, à l’issue du détachement, assurer la réintégration de l’intéressé ou, à défaut, assumer la charge de son licenciement (Cass. soc. 10-7-1997 n° 3053 : RJS 8-9/97 n° 946). Dans ce cas, le motif de licenciement invoqué doit nécessairement être distinct de celui éventuellement allégué par l’entreprise d’accueil (Cass. soc. 20-6-2000 n° 2942 : RJS 9-10/00 n° 919).

b.  Transfert dans une autre entreprise. Cette opération se caractérise, en principe, par le passage définitif du salarié d’une société à une autre et par la conclusion d’un nouveau contrat de travail, que le salarié est en droit de refuser (Cass. soc. 28-3-2000 n° 1518 : RJS 5/00 n° 494). Il en va ainsi que le transfert ait lieu dans une société juridiquement distincte ou dans une société appartenant à un même groupe. Jugé que le transfert du salarié constitue une modification de son contrat ne pouvant lui être imposée, peu important que les deux sociétés du groupe aient le même dirigeant (Cass. soc. 5-5-2004 n° 901 : RJS 7/04 n° 794).

 

Clauses contractuelles

2577

N-VI-3800 s

L’adjonction au contrat de nouvelles clauses contractuelles ou la modification du contenu des clauses existantes modifient le contrat et peuvent être refusées par le salarié.

Ainsi jugé pour l’insertion d’une clause de mobilité (Cass. soc. 18-3-1997 n° 1293 : RJS 5/97 n° 522 ; 24-11-1999 n° 4341 : RJS 1/00 n° 14), d’une clause de non-concurrence (Cass. soc. 7-7-1998 n° 3425 : RJS 8-9/98 n° 958 ; 15-6-2000 n° 2844), ou d’une clause d’exclusivité (Cass. soc. 7-6-2005 n° 1349 : RJS 8-9/05 n° 803), dans un contrat qui n’en comportait pas. Jugé de même en cas de réduction du préavis contractuel (Cass. soc. 15-7-1998 n° 3654 : RJS 10/98 n° 1176) et en cas de remplacement du logement de fonction prévu au contrat par une indemnité égale à 10 % du salaire (Cass. soc. 30-10-2000 n° 4076).

Par ailleurs, une clause du contrat ne peut valablement permettre à l’employeur de modifier unilatéralement un élément du contrat de travail (Cass. soc. 27-2-2001 n° 725 : RJS 5/01 n° 562 ; 16-10-2002 n° 2886 : RJS 1/03 n° 102), tel que la rémunération (Cass. soc. 3-7-2001 n° 3276 : RJS 10/01 n° 1112) ou la durée du travail (Cass. soc. 29-6-1999 n° 3037 : RJS 8-9/99 n° 1025) notamment.

Ainsi, est dépourvue d’effet la clause autorisant par avance l’employeur à modifier la partie variable du salaire en fonction de l’évolution du marché et des produits de la marque, sans autre précision (Cass. soc. 30-5-2000 n° 2558 et 2559 : RJS 7-8/00 n° 772).

En revanche, peuvent recevoir application, dès lors qu’elle n’ont pas pour effet de réduire la rémunération en dessous des minima légaux et conventionnels, les clauses fondées sur des éléments objectifs indépendants de la volonté de l’employeur et ne correspondant pas à un risque inhérent à l’entreprise (Cass. soc. 2-7-2002 n° 2251 : RJS 10/02 n° 1076 ; 4-3-2003 n° 578 : RJS 5/03 n° 568 ; 20-4-2005 n° 899 et 900 : RJS 7/05 n° 710).

 

2578

Une mutation en application d’une clause contractuelle de mobilité s’impose au salarié (Cass. soc. 23-11-1999 n° 4284 : RJS 1/00 n° 13), à condition qu’elle n’entraîne pas une modification de sa rémunération (Cass. soc. 15-12-2004 n° 2474 : RJS 2/05 n° 122) ou d’un autre élément de son contrat.

S’impose aussi au salarié la mise en oeuvre d’une obligation conventionnelle de mobilité, à condition que l’intéressé ait été, lors de son engagement, informé de l’existence de la convention collective et mis en mesure d’en prendre connaissance (Cass. soc. 27-6-2002 n° 2321 : RJS 10/02 n° 1074 ; 30-11-2005 n° 2611 : RJS 3/06).

 

Précisions

a.  L’employeur doit respecter la convention collective subordonnant l’application de la clause contractuelle à une négociation (Cass. soc. 19-5-1993 n° 1743 : RJS 7/93 n° 721) ou une concertation préalable (Cass. soc. 13-10-2004 n° 1906 : RJS 1/05 n° 10), à une notification écrite (Cass. soc. 3-6-1997 n° 2376 : RJS 7/97 n° 794 ; 4-2-2003 n° 285 : RJS 4/03 n° 410) ou à l’existence de sérieuses nécessités de service (Cass. soc. 5-5-1998 n° 2064 : RJS 6/98 n° 705 ; 22-1-2003 n° 157 : RJS 4/03 n° 410). A défaut, la mesure est abusive et le salarié est en droit de retrouver son poste ou un poste similaire (Cass. soc. 25-2-1998 n° 989 : RJS 5/98 n° 567).

L’employeur peut aussi être tenu de respecter la clause du règlement intérieur lui imposant de rechercher, dans toute la mesure du possible, une autre affectation au salarié ayant refusé une mutation en application d’une clause de mobilité (Cass. soc. 2-5-2000 n° 1959 : RJS 6/00 n° 669).

b.  La clause de mobilité est présumée mise en oeuvre de bonne foi par l’employeur. Il incombe au salarié de démontrer qu’elle l’a été pour des raisons étrangères à l’intérêt de l’entreprise ou dans des conditions exclusives de la bonne foi contractuelle (Cass. soc. 23-2-2005 n° 649 : RJS 5/05 n° 477).

Ont été jugées abusives ou déloyales la mutation imposée à une salariée mère de famille d’un enfant handicapé moteur alors que son ancien poste demeurait libre (Cass. soc. 6-2-2001 n° 511 : RJS 4/01 n° 412), et celle dictée à un salarié ne disposant d’aucun moyen de transport en commun pour se rendre sur le nouveau lieu de travail (Cass. soc. 10-1-2001 n° 39 : RJS 4/01 n° 412). Jugé de même en cas de mutation imposée sur un site distant de plus de 150 km alors que l’employeur avait connaissance des difficultés matérielles du salarié et du mauvais état de son véhicule (Cass. soc. 2-7-2003 n° 1860 : RJS 10/03 n° 1120), ou imposée par télégramme enjoignant au salarié de rejoindre dans les 24 heures sa nouvelle affectation, distante de 150 km (Cass. soc. 16-2-1987 n° 597).

 

Commune intention des parties

2579

N-VI-7270 s

Lorsque ni la convention collective ni le contrat de travail ne contiennent d’indication sur le caractère contractuel d’un élément de l’emploi du salarié, le juge peut se référer à l’intention des parties à la date de la conclusion du contrat.

Par exemple, constitue une modification du contrat le fait pour un employeur d’imposer au salarié un changement dans son horaire de travail alors que celui-ci tenait compte de la situation personnelle de l’intéressé et constituait, lors de la conclusion du contrat, un élément déterminant (Cass. soc. 30-11-1983 n° 4181 ; 14-11-1985 n° 3905).

 

Changement des conditions de travail

2580

N-VI-11250 s

Lorsqu’elles constituent un simple changement des conditions de travail et non une modification du contrat de travail (voir distinction n° 2572 s.), les mesures décidées par l’employeur en matière d’aménagement des horaires, de changement de lieu de travail, ou de changement de fonctions, notamment, s’imposent au salarié. Elles relèvent du pouvoir de direction de l’employeur. Quel que soit le motif de ce changement, le salarié qui s’y oppose commet une faute susceptible d’être sanctionnée par un licenciement disciplinaire (Cass. soc. 10-10-2000 n° 3707 : RJS 12/00 n° 1221). Il peut s’agir d’une faute grave (Cass. soc. 30-9-1997 n° 3276 : RJS 11/97 n° 1202 ; 4-6-2002 n° 1853 : RJS 10/02 n° 1073), mais pas nécessairement (Cass. soc. 17-10-2000 n° 3609 : RJS 12/00 n° 1222 ; 9-4-2002 n° 1340 : RJS 7/02 n° 785 ; 11-5-2005 n° 1011 : RJS 7/05 n° 711).

S’agissant du changement des conditions de travail d’un salarié protégé : voir n° 8048 s.

 

Précisions

a.  La décision de l’employeur de procéder à un changement des conditions de travail du salarié est présumée prise de bonne foi. Il incombe au salarié de démontrer qu’elle l’a été pour des raisons étrangères à l’intérêt de l’entreprise ou dans des conditions exclusives de la bonne foi contractuelle (Cass. soc. 23-2-2005 n° 514 : RJS 5/05 n° 477)

b.  A défaut de licenciement, le contrat n’est pas rompu : le salarié ne peut en conséquence réclamer aucune indemnité (Cass. soc. 10-7-1996 n° 3316 : RJS 8-9/96 n° 900 ; 20-10-1998 n° 4198 : RJS 1/99 n° 8).

Le fait pour l’employeur de mettre fin au contrat en considérant à tort le salarié comme démissionnaire constitue un licenciement (Cass. soc. 31-3-1993 n° 1459 : RJS 6/93 n° 596 ; 30-10-1996 n° 4086). Mais cette requalification n’entraîne pas nécessairement illégitimité de la rupture : celle-ci peut le cas échéant être justifiée par les motifs invoqués dans la lettre qui en prend acte (Cass. soc. 8-11-1994 n° 4411 : RJS 12/94 n° 1355 ; 10-4-1996 n° 1736 : RJS 6/96 n° 656).

c.  L’employeur peut imposer au salarié licencié d’exécuter son préavis dans les conditions ayant été refusées (Cass. soc. 25-11-1997 n° 4396 : RJS 1/98 n° 28). Sur le droit à l’indemnité compensatrice de préavis en cas de requalification du licenciement prononcé à tort pour faute grave, voir n° 2745.

 

Dénonciation d’un usage d’entreprise

2581

K-I-13150 s

Les avantages consentis aux salariés en vertu d’un usage d’entreprise (au sens visé n° 8458) ne sont pas intégrés au contrat de travail. L’employeur est en droit de les supprimer, unilatéralement, à condition : d’une part, d’en informer les institutions représentatives du personnel et, de manière individuelle, chaque salarié concerné (Cass. soc. 12-11-1997 n° 4131 : RJS 12/97 n° 1456), d’autre part, de respecter un délai de prévenance suffisant (Cass. soc. 3-3-1993 n° 896 : RJS 4/93 n° 451).

Est soumise à la même procédure la dénonciation des accords atypiques au sens visé n° 6362 (Cass. soc. 1-3-1989 n° 815 : RJS 4/89 n° 370 ; 18-3-1997 n° 1294 : RJS 10/97 n° 1106) et la dénonciation des engagements unilatéraux à exécution successive et à durée indéterminée (Cass. soc. 4-4-1990 n° 1475 : RJS 5/90 n° 372 ; 16-12-1998 n° 5427 : RJS 2/99 n° 245).

Sur la dénonciation des usages, engagements unilatéraux et accords atypiques par le nouvel employeur en cas de transfert d’entreprise, voir n° 8645.

Sur leur remise en cause en cas de signature d’un accord collectif sur le même sujet, voir n° 6393, c.

Concernant les salariés protégés, voir n° 8049, e.

 

Précisions

a.  L’avantage issu d’un engagement subordonné à une condition particulière peut être suspendu du seul fait que cette condition n’est plus remplie, sans qu’il y ait lieu à dénonciation préalable (Cass. soc. 18-3-1997 n° 1296 : RJS 5/97 n° 546), sous réserve que cette condition ait été prévue par une clause précise définissant objectivement l’étendue et les limites de l’obligation souscrite (Cass. soc. 27-6-2000 n° 3033 : RJS 9-10/00 n° 1034). En revanche, l’ajout d’une condition restrictive à un engagement préexistant nécessite une dénonciation préalable de ce dernier (Cass. soc. 7-5-1998 n° 2247 : RJS 10/98 n° 1255).

b.  La dénonciation n’a pas à être motivée. Mais elle est entachée de nullité si elle répond à un motif illicite : par exemple, tenter de faire échec à l’exercice normal du droit de grève (Cass. soc. 13-2-1996 n° 584 : RJS 4/96 n° 480) ou entraver l’exercice de la mission des membres du CHSCT (n° 5074).

 

2582

L’information sur la dénonciation doit être faite dans un délai suffisant pour permettre d’éventuelles négociations (Cass. soc. 7-4-1998 n° 1961 : RJS 5/98 n° 670 ; 10-11-1998 n° 4565 : RJS 12/98 n° 1472). Mais l’employeur n’est pas tenu de prendre l’initiative de ces dernières (Cass. soc. 16-3-1989 n° 1221 : RJS 4/89 n° 323).

Le délai de prévenance, qui doit être respecté tant à l’égard des représentants du personnel que des salariés concernés (Cass. soc. 13-3-2001 n° 1012 : RJS 5/01 n° 698), ne se confond pas avec le délai minimum de préavis prévu pour la dénonciation d’une convention collective (Cass. soc. 12-2-1997 n° 674 : RJS 3/97 n° 349). Il s’apprécie en fonction de chaque cas d’espèce.

 

Précisions

a.  En cas de litige, c’est à l’employeur d’apporter la preuve du respect d’un délai suffisant (Cass. soc. 22-10-1996 n° 3886 : RJS 12/96 n° 1344). A défaut, celui-ci est fixé souverainement par les juges et les effets de la décision de l’employeur reportés d’autant (Cass. soc. 16-3-1989 n° 1221 : RJS 4/89 n° 323). Les juges peuvent, par exemple, décider que la dénonciation d’une prime de fin d’année faite le 1er décembre est tardive et ne peut valoir pour l’année en cours (Cass. soc. 3-3-1993 n° 896 : RJS 4/93 n° 451). S’ils constatent la conclusion d’un accord d’entreprise ayant le même objet que l’usage, les salariés doivent bénéficier de celui-ci jusqu’à la date de cet accord (Cass. soc. 16-12-1998 n° 5433 : RJS 2/99 n° 318).

b.  L’absence de représentants du personnel dans l’entreprise rend la dénonciation irrégulière si elle est due au défaut d’organisation d’élections par l’employeur (Cass. soc. 16-11-2005 n° 2460 : RJS 2/06 n° 293).

c.  Chaque salarié concerné doit être informé individuellement et par écrit. Il ne peut l’être de manière verbale (Cass. soc. 7-5-1996 n° 2003 : RJS 6/96 n° 740) ou collective, par voie d’affichage (Cass. soc. 27-11-1990 n° 4458) ou de note de service (Cass. soc. 15-12-1988 n° 4447).

 

2583

Seule la procédure visée n° 2581 s. vaut dénonciation régulière des avantages prévus par un usage, un engagement unilatéral ou un accord atypique. A défaut, l’employeur reste tenu de les respecter (Cass. soc. 27-5-1997 n° 2284 : RJS 7/97 n° 886 ; 17-12-2002 n° 3910 : RJS 2/03 n° 228), même en l’absence de réclamation des salariés (Cass. soc. 23-10-1991 n° 3644 : RJS 12/91 n° 1383).

La dénonciation régulière, qui ne peut être effective qu’à une date postérieure à cette procédure (Cass. soc. 20-6-2000 n° 2934 : RJS 9-10/00 n° 1036) s’impose à tous les salariés concernés. Elle ne constitue pas une modification de leur contrat de travail (Cass. soc. 13-2-1996 n° 594 : RJS 4/96 n° 481 ; 12-2-2003 n° 378, 379, 380 : RJS 4/03 n° 548 ; 6-7-2005 n° 1578 : RJS 10/05 n° 1058). Il en va différemment si ce dernier faisait expressément référence à l’avantage supprimé (Cass. soc. 22-1-1992 n° 232 : RJS 3/92 n° 373 ; 7-4-1998 n° 1961 : RJS 5/98 n° 670), ou si cet avantage avait été contractualisé par l’employeur avant sa dénonciation.

 

Précisions

a.  La remise au salarié, lors de son embauche, d’un document résumant les usages et les engagements unilatéraux de l’employeur n’a pas pour effet de contractualiser les avantages qui y sont décrits (Cass. soc. 11-1-2000 n° 150 : RJS 2/00 n° 151), même si ce document a été mentionné dans le contrat de travail à titre d’information (Cass. soc. 2-5-2001 n° 1813 et 1814 : RJS 7/01 n° 834).

Il en est de même en cas de recherche par l’employeur d’un accord avec ses salariés sur la modification de l’avantage issu d’un usage (Cass. soc. 16-11-2005 n° 2460 : RJS 2/06 n° 293).

b.  Lorsque la rémunération du salarié résulte exclusivement de l’usage ou de l’engagement unilatéral de l’employeur, la dénonciation régulière de ces derniers n’autorise pas l’employeur à fixer unilatéralement le salaire ; celui-ci doit alors résulter d’un accord contractuel, à défaut duquel il incombe au juge de se prononcer (Cass. soc. 20-10-1998 n° 4196 : RJS 12/98 n° 1448).

 

Mise en chômage partiel

2584

QA-I-1720 s

L’employeur qui décide de réduire l’horaire collectif de travail de tout ou partie du personnel, avec réduction corrélative des salaires, est tenu de mettre en oeuvre la procédure de chômage partiel dès lors qu’à la date de sa décision celle-ci se présente comme une mesure provisoire liée à la conjoncture du moment et susceptible de révision (Cass. soc. 10-10-1995 n° 3580 : RJS 11/95 n° 1108). Cette mesure ne peut être refusée par le salarié. Elle ne constitue pas une modification de son contrat (Cass. soc. 18-6-1996 n° 2838 : RJS 8-9/96 n° 963 ; 2-2-1999 n° 617 : RJS 3/99 n° 407).

S’agissant des salariés protégés, voir n° 8049, c.

Concernant la portée sur le contrat de travail d’une mesure définitive de réduction de la durée collective de travail, décidée en application d’un accord collectif ou par décision unilatérale de l’employeur, voir n° 2574.

 

Précisions

a.  Les salariés mis en chômage partiel bénéficient d’allocations versées par l’Etat et, éventuellement, par l’employeur : n° 1255 s. Ces allocations sont prises en compte pour le calcul des primes assises sur les rémunérations perçues (Cass. soc. 26-11-1996 n° 4507 : RJS 1/97 n° 77) mais pas pour le calcul de l’indemnité de congés payés (voir n° 2112).

Si l’arrêt de travail se prolonge, les salariés peuvent être admis au bénéfice des allocations versées par le régime d’assurance chômage : n° 1318 s.

b.  Lorsque l’horaire de travail est réduit à néant, la poursuite d’une telle situation au-delà de la durée légale d’indemnisation (voir n° 1318 s.) équivaut au licenciement du salarié (notamment : Cass. soc. 8-7-1992 n° 2907 : RJS 10/92 n° 1138). Ce dernier peut obtenir des indemnités de rupture et, le cas échéant, des dommages-intérêts pour licenciement abusif.

Les indemnités légales ou conventionnelles de licenciement se calculent en tenant compte des salaires qu’auraient perçus les intéressés s’ils avaient travaillé (Cass. soc. 5-5-1988 n° 1659 ; 27-2-1991 n° 860 : RJS 4/91 n° 452 ; 9-3-1999 n° 1085 : RJS 4/99 n° 565).

Le salarié peut également prétendre à des dommages-intérêts correspondant aux salaires non perçus entre la fin de l’indemnisation légale et la notification du licenciement (Cass. soc. 27-11-1991 n° 4236 : RJS 3/92 n° 331).

Sur le calcul de l’indemnité compensatrice de préavis, voir n° 2747, a.

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