- ISA 240 : IRREGULARITES ET INEXACTITUDES
[adsenseyu1]
- Introduction
1. La présente norme a pour objet de définir des principes fondamentaux et de préciser
leurs modalités d’application concernant la responsabilité de l’expert-comptable au
regard des irrégularités et inexactitudes susceptibles d’être relevées au cours de
l’accomplissement de sa mission d’audit.
2. La présente norme ne traite pas des obligations légales ou réglementaires de l’expertcomptable
relatives à la communication des irrégularités ou des inexactitudes aux
personnes constituant le gouvernement d’entreprise. Ces obligations relèvent de la
norme à laquelle il convient de se référer (ISA 260). « Communication sur la mission
avec les personnes constituant le gouvernement d’entreprise »
3. Lors de la planification et de la réalisation de sa mission d’audit, ainsi que de
l’évaluation et de la communication de ses conclusions, l’expert-comptable prend
en compte le risque de survenance d’irrégularités ou d’inexactitudes pouvant
entraîner des anomalies significatives dans les comptes.
4. La prise en compte du risque de survenance d’irrégularités ou d’inexactitudes ne
concerne que celles qui sont susceptibles d’entraîner des anomalies significatives dans
les comptes. De ce fait, elle s’inscrit dans le cadre de l’audit des comptes. Le risque de
survenance d’irrégularités ou d’inexactitudes susceptibles d’affecter les autres aspects
de la mission n’est pas à considérer par l’expert-comptable à ce stade, dès lors qu’il n’a
pas l’obligation d’une démarche active dans ces domaines.
5. Le terme « irrégularité » signifie la non-conformité aux textes légaux ou réglementaires,
ou aux principes édictés par le référentiel comptable applicable, ou aux dispositions des
statuts, ou aux décisions de l’assemblée générale. Une irrégularité peut résulter d’un
acte involontaire ou volontaire.
6. Qu’elle soit volontaire ou involontaire, l’irrégularité est consécutive à la violation, par
action ou par omission :
· du Livre II du Code de Commerce et du décret sur les sociétés commerciales ou
des textes de base régissant les entités autres que les sociétés commerciales,
· d’autres textes légaux ou réglementaires applicables aux sociétés commerciales et
aux autres entités, (règles et méthodes comptables, règlements du CRC, règlements
de la COB, etc.),
· les dispositions des statuts ou les décisions de l’assemblée générale.
Une irrégularité peut, ou non, avoir une incidence sur les comptes.
7. Dans le cadre de la présente norme, le terme « fraude » désigne l’irrégularité volontaire
commise par une ou plusieurs personnes faisant partie de la direction ou des employés
de l’entité, ou par un tiers, ayant pour conséquence d’altérer les comptes.
Elle se concrétise le plus souvent par :
· la manipulation, la falsification ou l’altération de la comptabilité ou de documents,
· le détournement d’actifs,
· la suppression ou l’omission de l’incidence de certaines opérations dans la
comptabilité ou les documents,
· l’enregistrement d’opérations sans fondement,
· l’application volontairement incorrecte de politiques d’arrêté des comptes.
8. L’inexactitude est la traduction comptable, ou la présentation d’un fait, non conforme Ã
la réalité ; par exemple :
· calcul arithmétique ou imputation d’écriture dans les comptes incorrects,
· application incorrecte de politiques d’arrêté des comptes,
· omission, présentation ou interprétation erronée de faits ou d’événements,
· chiffres du tableau de résultat des cinq derniers exercices erronés,
· informations erronées données par l’organe dirigeant (par exemple, dans le rapport
de gestion).
Une inexactitude peut résulter d’un acte volontaire ou involontaire et avoir ou non une
incidence sur les comptes.
9. Dans le cadre de la présente norme, le terme « erreur » désigne l’inexactitude
involontaire contenue dans les comptes.
10. Lorsqu’une erreur n’a pas été corrigée, sciemment, elle constitue alors une fraude telle
que définie au paragraphe 7 ci-dessus.
Responsabilité de la direction
11. La direction est responsable de la prévention et de la détection des irrégularités et des
inexactitudes par la mise en oeuvre de procédures appropriées et de contrôles
permanents des systèmes comptables et de contrôle interne. Si ces systèmes réduisent
les risques d’irrégularités et inexactitudes, ils ne peuvent cependant les éliminer
totalement.
Responsabilité de l’expert-comptable
12. L’expert-comptable ne peut être tenu pour responsable de la prévention des irrégularités
et des inexactitudes. La mission d’audit de l’expert-comptable peut cependant avoir un
effet dissuasif.
13. Au regard de son obligation de communication des irrégularités et des inexactitudes,
l’expert-comptable à la responsabilité de communiquer celles relevées ou dont il a eu
connaissance au cours de sa mission, et qui sont significatives.
Evaluation des risques
14. Si l’expert-comptable ne peut ignorer, dans la planification et la mise en oeuvre de ses
travaux, le risque que des irrégularités ou des inexactitudes existent, celui lié plus
particulièrement aux fraudes et erreurs, de par leur incidence sur les comptes, est un des
aspects importants à prendre en considération lors de l’évaluation des risques dans sa
démarche d’audit.
15. Lors de la planification de sa mission d’audit, l’expert-comptable évalue le risque
que des fraudes ou des erreurs conduisent à des anomalies significatives dans les
comptes. A cet effet, il interroge la direction sur toute fraude ou erreur
significative qui aurait été détectée par celle-ci.
16. Outre les déficiences dans la conception des systèmes comptable et de contrôle interne
et la non-application des contrôles internes existants, le risque de fraude et d’erreur peut
être accru par les circonstances ou événements suivants :
– doutes quant l’intégrité et la compétence de la direction,
– pressions inhabituelles au sein de l’entité ou subies par l’entité,
– opérations inhabituelles,
– difficultés d’obtention d’éléments probants.
L’annexe contient des exemples de ces circonstances ou événements.
Détection
17. Sur la base de son évaluation du risque d’audit, l’expert-comptable définit des
procédures lui permettant d’obtenir l’assurance raisonnable que les anomalies
résultant de fraudes et d’erreurs, ayant une incidence significative sur les comptes,
pourront être détectées.
18. Pour ce faire, l’expert-comptable réunit suffisamment d’éléments probants indiquant
que des fraudes ou des erreurs pouvant avoir une incidence significative sur les comptes
ne se sont pas produites ou que, dans le cas contraire, l’effet de la fraude a été pris en
compte ou bien que l’erreur a été corrigée. Il est en général plus facile de détecter une
erreur qu’une fraude, car cette dernière s’accompagne généralement de procédés
spécialement conçus pour en dissimuler l’existence.
19. Du fait des limites inhérentes à l’audit (voir infra paragraphes 20 à 22), il existe un
risque inévitable qu’une anomalie significative dans les comptes résultant d’une fraude
et, dans une moindre mesure d’une erreur, ne soit pas détectée. La découverte ultérieure
d’une anomalie significative dans les comptes du fait d’une fraude ou d’une erreur
concernant un exercice contrôlé ne signifie pas en soi que l’expert-comptable n’a pas
appliqué les principes fondamentaux d’un audit. Pour en juger, il convient d’examiner
le bien fondé des procédures d’audit mises en oeuvre en la circonstance et l’adéquation
de l’opinion exprimée avec le résultat de ces procédures.
Limites inhérentes à l’audit
20. Tout audit est soumis au risque inévitable de non-détection d’anomalies significatives
dans les comptes, même s’il a été correctement planifié et effectué selon les normes de
la profession.
21. Le risque de non-détection d’une anomalie significative résultant d’une fraude est plus
grand que celui résultant d’une erreur, car la fraude implique généralement des moyens
visant à la dissimuler, par exemple : la collusion, le faux, l’omission délibérée
d’enregistrer des opérations ou les fausses déclarations faites intentionnellement Ã
l’expert-comptable . Sauf preuve contraire, l’expert-comptable est fondé à considérer les
déclarations qu’il reçoit comme exactes, les enregistrements comptables comme
corrects et les documents obtenus comme authentiques. Toutefois, conformément à la
norme ISA 200 « Objectif et principes généraux d’une mission d’audit des
comptes », l’expert-comptable planifie et conduit sa mission en faisant preuve
d’esprit critique et en étant conscient que certaines situations ou événements
peuvent laisser supposer l’existence d’une fraude ou d’une erreur non détectée.
22. Même si l’existence de systèmes comptables et de contrôle interne efficients réduit le
risque d’anomalies dans les comptes liées à une fraude ou à une erreur, le risque de
défaillance des contrôles internes n’est jamais à exclure. En outre, même un système
comptable et de contrôle interne performant peut ne pas permettre de détecter une
fraude impliquant la collusion entre employés ou une fraude commise par des membres
de la direction. Certains membres de la direction ont en effet la possibilité d’échapper
aux contrôles auxquels sont soumis les employés ; par exemple, en demandant à leurs
subordonnés d’enregistrer des opérations de manière incorrecte ou de les dissimuler, ou
de faire supprimer des informations relatives à certaines opérations.
Procédures à mettre en oeuvre en cas de présomption de fraudes ou d’erreurs
23. Lorsque la mise en oeuvre des procédures d’audit définies à la suite d’une évaluation du
risque met en évidence la possibilité de fraudes ou d’erreurs, l’expert-comptable en
analyse l’incidence potentielle sur les comptes. S’il estime que la fraude ou l’erreur est
susceptible d’avoir un effet significatif sur les comptes, il modifie ses procédures
d’audit initiales ou met en oeuvre des procédures complémentaires jugées nécessaires
afin d’en apprécier la nature et d’en évaluer l’importance.
24. L’étendue des procédures modifiées ou complémentaires dépend de l’évaluation faite
par l’expert-comptable :
(a) du type de fraudes ou d’erreurs concerné,
(b) de la probabilité qu’elles se produisent, et,
(c) de la probabilité qu’un type particulier de fraude ou d’erreur ait un effet significatif
sur les comptes.
Sauf preuve contraire, l’expert-comptable ne peut présumer qu’une fraude ou qu’une erreur
détectée constitue un cas isolé. S’il le juge nécessaire, il adapte la nature, le calendrier et
l’étendue de ses contrôles substantifs.
25. La mise en oeuvre de procédures modifiées ou complémentaires permet en général Ã
l’expert-comptable de confirmer ou d’infirmer la présomption de fraudes ou d’erreurs.
Si le résultat des procédures modifiées ou complémentaires ne permet pas
d’infirmer cette présomption, l’expert-comptable s’entretient de cette question
avec la direction et apprécie si la fraude ou l’erreur a été correctement prise en
compte, ou corrigée, dans les comptes. L’expert-comptable , évalue l’incidence
éventuelle de l’anomalie en résultant sur l’expression de son opinion.
26. L’expert-comptable mesure les répercussions d’une fraude ou d’une erreur
significative sur les autres aspects de l’audit, notamment au regard de la fiabilité
des déclarations de la direction. Dans ce contexte, il reconsidère son évaluation du
risque et réexamine la crédibilité des déclarations de la direction, en cas de fraude ou
d’erreur non détectée par les contrôles internes, ou non mentionnée dans les déclarations
de la direction. En cas de fraude ou d’erreur détectée par l’expert-comptable , la
répercussion sur ses travaux d’audit dépendra des liens entre la fraude ou l’erreur
commise, et dissimulée le cas échéant, et les contrôles internes et le niveau hiérarchique
des dirigeants ou des employés concernés.
Communication des irrégularités ou inexactitudes
A la direction de l’entité
27. L’expert-comptable communique à la direction ses constatations dans les meilleurs
délais si :
(a) il a effectivement relevé une irrégularité ou une inexactitude ayant un effet
significatif sur les comptes, ou
(b) il suspecte l’existence d’une irrégularité, provenant d’une fraude, même si l’effet
potentiel sur les comptes est négligeable.
28. L’expert-comptable détermine en fonction des circonstances le représentant de la
direction qui sera informé de ses présomptions ou de la détection d’irrégularités ou
d’inexactitudes. Pour ce qui concerne la fraude, il évalue la probabilité d’implication de
la direction au plus haut niveau. Dans la plupart des cas de fraude, il sera nécessaire
d’en rendre compte à l’échelon hiérarchique supérieur à celui des personnes suspectées.
Dans l’expression de son opinion sur les comptes
29. Si l’expert-comptable conclut que la fraude ou l’erreur a des conséquences
significatives sur les comptes et qu’elle n’a pas été correctement prise en compte ou
corrigée, il exprime une opinion avec réserve, ou une opinion défavorable.
30. Si l’entité ne permet pas à l’expert-comptable de réunir suffisamment d’éléments
probants pour évaluer si une fraude ou une erreur pouvant avoir un effet
significatif sur les comptes s’est produite, ou a de fortes chances de s’être produite,
l’expert-comptable exprime une opinion avec réserve ou conclut à l’impossibilité
d’exprimer une opinion pour cause de limitation de l’étendue des travaux d’audit.
31. Si l’expert-comptable n’est pas à même de déterminer si une fraude ou une erreur
s’est produite du fait des limites imposées par les circonstances et non par l’entité,
il en tire les conséquences dans l’expression de son opinion.
Aux tiers
32. Le secret professionnel auquel est soumis l’expert-comptable empêche toute
communication spécifique des irrégularités ou inexactitudes à des tiers, à l’exclusion
des personnes ou autorités expressément prévues par les textes légaux et réglementaires
applicables en la matière 1.
Date d’application
33. La présente norme d’audit est applicable à partir du 1er janvier 2002.
Annexe
Exemples de circonstances ou d’événements augmentant le risque de fraude ou d’erreur
Questions concernant l’intégrité ou la compétence de la direction
• Pouvoirs de direction entre les mains d’une seule personne (ou un petit groupe de
personnes), sans comité d’audit ou conseil de surveillance,
• Entité dont la structure complexe ne semble pas justifiée,
• Déficiences majeures du contrôle interne systématiquement négligées, alors qu’elles
pourraient être corrigées,
• Rotation élevée des responsables comptables et financiers,
• Sous-effectif chronique et important des services comptables, financiers et
administratifs,
• Changements fréquents de conseil juridique, expert-comptable , ou commissaire aux
comptes.
Pressions inhabituelles au sein de l’entité ou subies par l’entité
• Le secteur est en récession et le nombre de défaillances augmente,
• Le fonds de roulement est insuffisant du fait de la baisse des résultats ou d’une
expansion trop rapide,
• Les résultats se détériorent, par exemple par des risques trop élevés pris en matière
de ventes à crédit, par un changement des pratiques commerciales ou le choix de
politiques d’arrêté des comptes qui permettent d’accroître les résultats,
• Face à une offre publique d’achat, à un rachat ou à un autre événement, l’entité tient Ã
augmenter ses résultats pour soutenir le cours de ses actions,
• L’entité a investi massivement dans un secteur ou une ligne de produits connus pour
être volatiles,
• L’entité est fortement dépendante d’un ou de plusieurs produits ou clients,
• La direction subit des pressions financières,
• Le service comptable subit des pressions pour établir les comptes dans des délais
anormalement courts.
Opérations inhabituelles
• Opérations inhabituelles, surtout en fin d’exercice, ayant un impact significatif sur
les résultats,
• Opérations ou traitements comptables complexes,
• Transactions avec des parties liées,
• Paiements de services (par exemple à des consultants ou intermédiaires, etc…) qui
semblent excessifs par rapport aux prestations fournies.
Difficultés pour réunir suffisamment d’éléments probants
• Documents comptables inadaptés ; par exemple : fichiers incomplets, écritures de
régularisation en nombre important, opérations non comptabilisées selon les
procédures normales ou soldes de comptes collectifs non justifiés par des balances
auxiliaires,
• Documentation des transactions inadéquate ; par exemple : absence d’autorisation
valide, justificatifs non disponibles et altération de documents (ces problèmes de
documentation sont d’autant plus graves qu’ils concernent des opérations
importantes ou inhabituelles),
• Ecarts importants non analysés entre les soldes comptables et les confirmations des
tiers, éléments probants contradictoires ou évolutions inexpliquées des ratios
d’exploitation,
• Réponses évasives ou non crédibles de la direction aux demandes de l’expertcomptable.
Certains facteurs spécifiques à l’environnement informatique se rapportant aux conditions et
événements décrits ci-dessus comprennent :
• L’impossibilité d’extraire des informations des fichiers informatiques du fait du
manque de documentation ou d’une documentation périmée du contenu des
enregistrements ou des programmes,
• Un grand nombre de modifications des programmes non documentées, approuvées
ou testées.