condition de la responsabilité pénale

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 I.  Conditions de la responsabilité pénale

 

Eléments constitutifs de l’infraction

8102

Les faits reprochés à un employeur ne peuvent engager sa responsabilité pénale que si les trois éléments constitutifs d’une infraction sont réunis. Ces éléments (légal, matériel et moral) peuvent être définis de la façon suivante :

-  la responsabilité pénale suppose en premier lieu la violation d’un texte légal en vigueur, définissant les éléments de l’infraction (texte législatif pour les délits et texte réglementaire pour les contraventions). Sur la possibilité de sanctionner pénalement la violation par l’employeur de dispositions conventionnelles, voir n° 6405, b ;

-  elle nécessite en outre un comportement matérialisant l’infraction : il peut s’agir d’une action ou d’une omission coupable ;

-  il faut enfin que soit constatée l’existence d’une faute pénale dont la nature diffère selon que l’infraction constitue une contravention ou un délit (voir n° 8103).

a.  Interprétation stricte de la loi pénale. La loi pénale étant d’interprétation stricte (C. pén. art. 111-4), le juge répressif ne peut procéder par extension ou par analogie (Cass. crim. 31-3-1992 n° 90-83.938 : RJS 10/92 n° 1121). Ainsi jugé que la réglementation relative à la durée hebdomadaire légale du travail et à la détermination des périodes d’inaction permettant d’y déroger est seulement édictée pour le travail à temps complet et ne peut être transposée au cas du travail à temps partiel : voir n° 8868.

b.  Application de la loi pénale dans le temps. La loi pénale définissant les incriminations et les peines est non rétroactive lorsqu’elle est plus sévère et d’application immédiate lorsqu’elle est plus douce (C. pén. art. 112-1). Sont également d’application immédiate les lois interprétatives et déclaratives. Une loi créant une incrimination nouvelle, étendant le champ d’application d’une incrimination existante ou élevant le montant de la peine applicable à une infraction, présente un caractère plus sévère et ne peut donc s’appliquer aux faits commis avant son entrée en vigueur. A l’inverse, sauf dispositions contraires expresses, la loi nouvelle qui abroge une incrimination s’applique aux faits commis avant son entrée en vigueur et faisant l’objet de poursuites non encore terminées par une décision passée en force de chose jugée (Cass. crim. 26-1-1988 n° 87-81.152). Il en est de même, notamment, de celle qui réduit le champ d’application de l’incrimination ou admet un fait justificatif nouveau. Lorsqu’un même texte contient des dispositions à la fois plus douces et plus sévères, il est procédé de manière séparée si les dispositions en cause sont divisibles. Lorsqu’elles ne le sont pas, le juge fait en principe une appréciation globale du caractère plus sévère ou plus doux du texte.

c.  Application de la loi pénale dans l’espace. La loi pénale française s’applique aux infractions commises sur le territoire national (C. pén. art. 113-2, al. 1), quelle que soit la nationalité de l’auteur ou de la victime des faits. Doit ainsi répondre devant la juridiction pénale française du délit d’entrave au fonctionnement du comité d’entreprise de la filiale française d’une société de droit italien le dirigeant de la filiale, président dudit comité, demeurant en Italie et ayant la nationalité de ce pays (Cass. crim. 25-4-1989 n° 87-80.721 et 85-94.034 : RJS 7/89 n° 597).

Une infraction est réputée commise sur le territoire français dès lors que l’un de ses faits constitutifs a eu lieu sur ce territoire (C. pén. art. 113-2, al. 2).

 

Définition de la faute pénale

8103

C. pén. art. 121-3

P-I-33900 s

En matière de contravention, l’accomplissement de l’action ou de l’omission coupable suffit en principe en lui-même à engager la responsabilité pénale de son auteur (voir toutefois ci-dessous, c).

Sauf dérogation prévue par la loi, l’existence d’un délit suppose, en revanche, l’intention de le commettre.

 

Précisions

a.  La faute intentionnelle, en principe nécessaire pour caractériser le délit, n’est pas définie par la loi. Elle est généralement déduite du caractère volontaire des actes commis par l’employeur. Ainsi jugé pour le délit d’entrave à l’exercice du droit syndical (Cass. crim. 15-2-1994 n° 92-84.088 : RJS 6/94 n° 713) ; pour le délit de travail dissimulé (Cass. crim. 25-6-1991 n° 89-83.369 : RJS 10/91 n° 1122) ; pour l’ouverture d’un chantier non conforme aux prescriptions de l’article L 235-16 du Code du travail (Cass. crim. 8-8-1994 n° 94-80.080 : RJS 11/94 n° 1276).

Il a même été admis que la seule constatation de la violation en connaissance de cause d’une prescription légale ou réglementaire peut suffire à établir l’intention coupable exigée par l’article 121-3, al. 1, du Code pénal (Cass. crim. 12-7-1994 n° 93-85.262 ; 10-1-1996 n° 94-85.938).

b.  Par dérogation au caractère intentionnel du délit, lorsque la loi le prévoit, celui-ci peut être constitué en cas de mise en danger délibérée de la personne d’autrui. La faute de mise en danger délibérée suppose que l’auteur du délit ait eu conscience du risque grave pour autrui pouvant résulter de son comportement (ce type de faute peut notamment être relevé en cas de risque d’accident du travail : voir n° 5059, b).

Le délit peut également être constitué en cas de faute d’imprudence, de négligence ou de manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, s’il est établi que l’auteur de faits qui sont la cause directe du dommage n’a pas accompli les diligences normales compte tenu de la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait. De plus, lorsque les faits qui lui sont reprochés ne sont pas la cause directe du dommage, la responsabilité pénale de la personne physique ayant créé ou contribué à créer la situation à l’origine du dommage ou n’ayant pas pris les mesures pour l’éviter ne peut être engagée que s’il est établi qu’elle a soit violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit commis une faute caractérisée exposant autrui à un risque d’une particulière gravité qu’elle ne pouvait ignorer.

c.  L’appréciation plus ou moins rigoureuse de la faute d’imprudence ou de négligence, selon qu’elle est ou non à l’origine directe du dommage (voir ci-dessus, b), est applicable aux contraventions de blessures involontaires (n° 5059, a) prévues par les articles R 622-1 et R 625-2 du Code du travail.

d.  La définition des différentes infractions à la législation sociale et les sanctions dont elles sont assorties sont précisées dans les rubriques correspondantes (exemple : délit d’entrave aux institutions représentatives du personnel : voir n° 7785 ; délit de travail dissimulé : voir n° 8752 s.).

 

Causes d’exonération de responsabilité

8104

C. pén. art. 122-2 122-3 122-4, al. 1

U-I-1900 s

L’employeur poursuivi pour une infraction à la législation sociale peut être dégagé de sa responsabilité s’il justifie de l’une des causes d’irresponsabilité admises par le Code pénal. La force majeure, l’erreur sur le droit et l’autorisation de la loi sont les causes le plus souvent invoquées en droit social.

 

Précisions

a.  La force majeure suppose l’existence d’un événement imprévisible et insurmontable ayant empêché l’employeur de se conformer à la loi (Cass. crim. 31-10-1963 n° 90-704.63). Un incendie ou une inondation totale des locaux de l’entreprise peuvent éventuellement répondre à cette définition, s’ils ne résultent pas d’une faute de l’employeur.

Ne justifie pas de la force majeure le chef d’entreprise se prévalant de l’incendie partiel des locaux de son établissement pour échapper à la responsabilité encourue pour non-respect de la procédure de licenciement de salariés protégés, dès lors qu’il a pu disposer de nouveaux locaux dans un délai très bref (Cass. crim. 4-10-1977 n° 76-93.433). De même, le fait que la majorité du personnel s’oppose à la réintégration d’un délégué syndical irrégulièrement licencié ne peut exclure la responsabilité de l’employeur dès lors qu’il n’a pas cherché à vaincre cette opposition (Cass. crim. 9-12-1986 n° 86-90.552).

b.  N’est pas pénalement responsable la personne qui justifie avoir cru, par une erreur sur le droit qu’elle n’était pas en mesure d’éviter, pouvoir légitimement accomplir l’acte.

L’erreur sur la portée d’un texte, qui pouvait être évitée par une consultation auprès de l’inspection du travail (Cass. crim. 5-3-1997 n° 1196) ou auprès de juristes qualifiés (Cass. crim. 19-3-1997 n° 1531), ne présente pas un caractère insurmontable. Il en est de même, a fortiori, lorsque les textes ne prêtent à aucune équivoque (Cass. crim. 8-8-1994 n° 94-80.080 : RJS 11/94 n° 1276).

Justifie en revanche d’une erreur sur le droit, résultant d’une information erronée fournie par l’administration, l’employeur poursuivi pour avoir toléré à plusieurs reprises une prolongation excessive de la durée de travail effectif de ses salariés, alors qu’il n’a fait qu’appliquer les clauses d’un accord professionnel élaboré sous l’égide d’un médiateur désigné par le Gouvernement et faisant référence au Code du travail (Cass. crim. 24-11-1998 n° 6899 : RJS 2/99 n° 210).

L’erreur sur le droit devrait également être admise en cas de défaut de publicité du texte normatif (Circ. min. justice 9/F1 du 14-5-1993).

c.  La responsabilité pénale est exclue à l’égard de la personne qui accomplit un acte prescrit ou autorisé par des dispositions législatives ou réglementaires. Ainsi, l’employeur ne saurait être poursuivi pour discrimination à raison d’un refus d’embauche fondé sur le sexe dès lors que l’emploi concerné fait partie de ceux dont la loi admet qu’ils soient réservés à l’un ou l’autre sexe (voir n° 4068, a).

d.  Le consentement de la victime ne peut en principe constituer une cause d’exonération de responsabilité (exemple : accord du personnel pour travailler le dimanche en infraction avec le principe légal du repos dominical : n° 3960). Sur le sort réservé aux autres faits justificatifs susceptibles d’être soulevés par l’employeur en cas de poursuites pour infraction aux règles d’hygiène et de sécurité (faute de la victime d’un accident du travail notamment), voir n° 5057.

 

Pluralité d’infractions

8105

Les mêmes faits peuvent tomber sous le coup de deux qualifications pénales. Si l’action est indivisible, le juge ne retient en principe qu’une seule qualification : celle correspondant à l’infraction la plus sévèrement punie ou celle la mieux adaptée à l’espèce lorsque les deux qualifications sont de même gravité. S’il s’agit d’infractions distinctes, commises simultanément et faisant l’objet des mêmes poursuites, le juge retient les deux qualifications et applique, pour le calcul de la peine, les règles prévues en cas de concours d’infractions (voir n° 8132).

En pratique, la distinction entre action indivisible et infractions distinctes résultant d’un même fait ou de faits commis simultanément n’est pas facile à opérer. A titre d’exemple, voir n° 3977 les solutions rendues en cas d’emploi de salariés le dimanche en violation de plusieurs dispositions : repos dominical et arrêté préfectoral de fermeture ou repos dominical et repos hebdomadaire.

Commet deux infractions distinctes (délit d’entrave aux fonctions de représentant du personnel et délit d’atteinte à la liberté syndicale) l’employeur qui, à l’occasion d’une même procédure, licencie un salarié délégué du personnel et délégué syndical, à raison de son appartenance syndicale et sans avoir sollicité l’avis préalable de l’inspecteur du travail (Cass. crim. 29-10-1975 n° 93-253.73). Deux infractions distinctes peuvent également être retenues en cas d’accident du travail résultant de la violation d’une règle d’hygiène et de sécurité (n° 5062).

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